Alcooliques Anonymes: Visite dans un district montréalais

Publié le par kreizker

in "Yulorama.com - Montréal Mode de Vie", 10 mai 2016

 

La seule condition pour être membre est de vouloir arrêter de boire.

 

Quand mon ami Marc* m’a demandé d’aller l’écouter faire un partage lors d’une de ses réunions hebdomadaires aux Alcooliques Anonymes, je n’étais pas certaine. D’abord, je ne suis pas une AA et je ne ressentais donc pas le besoin d’aller là. Ensuite, je connaissais déjà les grandes lignes de son histoire et finalement, je pensais que je ne serais pas ma place. En bout du compte, j’ai accepté son invitation et c’est dans un des divers districts montréalais que j’ai eu ma première rencontre chez les AA.

Une rencontre accueillante et chaleureuse

C’est une soirée où les visiteurs sont acceptés (ce n’est pas le cas à chaque rencontre) et dès mon arrivée, plusieurs, sans même me connaître, viennent à moi pour se présenter et me souhaiter la bienvenue. En fait, ces gens ne savent pas si je suis une nouvelle (une nouvelle membre en devenir) ou une visiteuse, mais ça ne change rien pour eux. L’accueil est le même pour tous: on veut vous faire sentir le bienvenue.

La rencontre, dans une petite salle d’un centre communautaire du nord de la ville, où environ une vingtaine de personnes sont présentes, commence avec un moment de silence suivie de la prière de sérénité. Pour ceux qui ne le savent pas, oui, on parle de Dieu et de prière chez les AA, mais le regroupement n’est pas religieux. Si vous croyez en Dieu, prenez-le tel que. Vous croyez en Jehovah? Yahweh? Allah? Votre grand-père décédé? Le monstre en spaghetti volant? La nature? La vie? Le terme « Dieu » doit être simplement pris comme étant une force plus élevée que soi. La prière de la sérénité engage le fait que justement, il y a quelque chose de plus fort (dans ce cas-ci, l’alcoolisme) et la personne atteinte doit l’accepter et apprendre à vivre avec.

Suite à cette prière, on nous parle de ce que sont les Alcooliques Anonymes. Moment sans aucun doute un peu redondant pour les habitués, mais pour les visiteurs et les nouveaux, ça peut être bien utile.

Alcooliques Anonymes: Visite dans un district montréalais

Puis, c’est l’accueil du nouveau ou du renouveau. Un nouveau, on sait ce que c’est. Mais la façon dont l’accueil se fait est vraiment d’une beauté inexplicable. Imaginez-vous un instant que vous êtes un alcoolique et que vous allez à une rencontre des AA mais avez la peur de votre vie de vous déclarer. Tout d’abord, on vous rassure:

« Si tu es ici ce soir et que tu es sous l’influence de l’alcool, que tu as peur, que tu as des idées suicidaires, c’est ok. On est là pour toi. On est tous passé par là. On te comprend. »

L’homme qui parle est responsable de l’accueil. Il a une enveloppe avec lui et cette enveloppe est un kit de départ. Elle contient de l’argent et des ressources pour aider le nouveau. Le nouveau peut venir la chercher à ce moment-là, devant tout le monde (un peu comme un manière de se commettre au mouvement) ou encore attendre à la fin de la rencontre et aller chercher l’enveloppe sur la table.

Un homme se lève. Tout le monde applaudit. Il se nomme et dit qu’il est un renouveau. Mais qu’est-ce qu’un renouveau? C’est une personne qui a déjà été sobre et actif chez les Alcooliques Anonymes pendant un moment, mais qui a fait une rechute, est partie puis a décidé de revenir. Je n’ose imaginer comment un renouveau doit se sentir. Ça doit être un énorme exercice au niveau de l’orgueil. Pourtant, personne ne juge. Tout le monde salue son courage face au désir d’arrêter de boire encore une fois, car oui, la seule condition pour faire partie des AA c’est de vouloir arrêter de boire. Son court témoignage me fait monter les larmes aux yeux. Il est touchant, mais l’amour de l’accueil des autres membres est ce qui me touche le plus.

Remise des jetons et méthode

Chez les Alcooliques Anonymes, ont fait aussi des célébrations et elles sont soulignées par la remise de jetons. On célèbre des 30 jours, des premiers anniversaires, des anniversaires comptant plusieurs années. Ce sont des moments importants à souligner.

Les célébrations sont par contre parfois suivies d’appels à l’aide. Comme ce groupe du samedi soir situé pas très loin, dans le district voisin, qui a besoin plus de visites de membres, car il est sous menace de fermer. Les membres n’hésitent pas à visiter plusieurs districts durant la semaine et c’est pour cette raison qu’on demande de l’aide pour sauver ce groupe, car il y a trop peu de rencontres le samedi soir à Montréal. Étrange, tout de même, je trouve. J’aurais cru que les réunions du samedi soir étaient les plus populaires justement par cette tendance de notre société à faire la fête, à sortir ou simplement à boire durant le weekend. Comme quoi il n’y a pas de moments particuliers pour un alcoolique pour lever le coude.

On récapitule aussi sur la méthode, les 12 traditions et les 12 étapes.

Groupe "La lumière du soir" -   Centre Dollard Cormier 950, rue De Louvain Est Montréal, QC H2M 2E8

Groupe "La lumière du soir" - Centre Dollard Cormier 950, rue De Louvain Est Montréal, QC H2M 2E8

Témoignage de Marc

C’est suite à la pause de la rencontre que mon ami Marc s’assoit à l’avant devant le groupe. On tamise les lumières de la salle ne laissant qu’une lumière derrière Marc et il commence son témoignage.

Enfance mouvementée à déménager d’un pays à l’autre et venant d’une culture différente de la nôtre, il arrive au Québec au début de l’adolescence. Son père, un homme dur, ne se gène pas pour l’humilier publiquement pour lui « faire apprendre la vie ». Marc se durcit et sent de plus en plus en lui une violence dû à un mal. Il réussi à canaliser le tout pendant de nombreuses années dans le sport et dans le théâtre.

Puis, vient ce moment où tout bascule dans sa vie. La bouteille, qui était alors contrôlable ne l’est plus. D’abord, il ne croit pas au problème de la bouteille et se met à seulement déménager pour échapper à ses ennuis, mais ses problèmes le rattrapent aussitôt. Puis, il commence à ne plus faire de différence entre les humains. Amis? Inconnus? Peu importe. Maintenant qu’il a soif à n’en plus finir, il doit trouver un moyen d’étancher. Il fait de petits vols de commerces, mais aussi il vole ses amis. Cette amie qui lui demande de garder son appartement alors qu’elle part en voyage reviendra quelques semaines plus tard pour y voir son appartement complètement vider dont les objets ont été pawnés. Ce couple d’amis qui l’a invité à souper verront plus tard en soirée que Marc a vidé la tirelire de leur fils alors qu’il avait dit aller à la toilette.

Les psychoses et les internements à Douglas se succèdent. Les arrivées d’urgence à St-Luc, Notre-Dame ou encore l’Hôpital Juif ne se comptent plus. Les thérapies avec des psychologues et des psychiatres remplissent des pages de dossiers, mais Marc ne connecte pas avec eux. Ils ne semblent pas comprendre. Tous ces diplômes et ces années d’études servent-ils vraiment à quelque chose si vous n’avez jamais vécu la situation, se demande-t-il.

Puis un jour, on lui annonce une terrible nouvelle. Alors qu’on le ramasse suite à des jours passés dans une chambre quelque part au centre-ville, les vêtements souillés de merde et d’urine, le chandail taché de vomi et qu’on l’amène à l’hôpital, on lui fait passer certains tests et voilà. C’est le coeur. Il est nécrosé. Il ne reste qu’une petite partie qui lui permet encore de vivre. C’est aussi cette unique petite partie qui lui donne espoir de revivre.

Suite à son congé de l’hôpital et une thérapie à la Maison Jean Lapointe, il décide de faire comme des milliers d’hommes et de femmes ont fait avant lui: essayer de voir c’est quoi les Alcooliques Anonymes. Et c’est là qu’il rencontre des gens qui, comme lui, ont cette blessure à l’âme que seuls d’autres alcooliques peuvent comprendre. Pas un psy. Pas un thérapeute. Un autre alcoolique. Pour la première fois depuis des années il sent qu’il a sa place quelque part, qu’il y a des gens qui sont là pour le supporter sincèrement et non pas en échange d’un chèque (le mouvement des Alcooliques Anonymes est 100% indépendant, gratuit et financé à même les contributions volontaires des membres). Marc est entré chez les AA il y a trois ans. Comme il dit, il a dit « oui » aux Alcooliques Anonymes. Pas « On verra ». Pas « Je vais essayer ». Juste « oui ».

Depuis, la vie de Marc va beaucoup mieux. Sa santé, toujours fragile, bien entendu, a tout de même pris du mieux. Il a maintenant un appartement dans le Plateau Mont-Royal, il est suivi aussi par le CLSC qui l’aide dans sa vie quotidienne et parfois il obtient des petits contrats de figuration qui l’aide à boucler ses fins de mois.

L’alcoolisme à Montréal et ailleurs

L’alcoolisme n’est pas propre à Montréal. Elle fait des ravages en région et aussi ailleurs dans le monde. Cependant, le haut taux d’itinérance dans la métropole ne serait pas sans lien avec cette maladie. Cependant, ne pensons surtout pas qu’aux itinérants. Des hommes et des femmes de tous les milieux, de toutes les couches sociales, du commis de dépanneur au président de multinationale en passant par la célèbre comédienne que vous pouvez régulièrement voir à la télé et par le comptable, le technicien ambulancier ou encore l’infirmière, ça touche tout le monde. Il s’agit d’un problème réel qu’Éduc’alcool souligne avec le fait qu’au Québec, 10% des buveurs d’alcool ont senti que leur consommation d’alcool pourrait nuire à leur santé et que 6-7% des consommateurs disent boire des quantités excessives sur une base hebdomadaires. Si on fait le calcul, ça fait beaucoup, beaucoup trop de monde.

Informations supplémentaires

Montréal a heureusement plusieurs ressources pour les alcooliques dont les Alcooliques Anonymes que vous pouvez trouver dans les districts de la Région 87 suivants:

Alcooliques Anonymes – Téléphones:

Montréal (Français ) 514-376-9230
1-877-790-2526
Montréal (Anglais) 514-350-3444
Toll free 1-888-424-2975
Montréal (Espagnol) 438-878-2563

 

*Nom fictif

Publié dans AA Québec

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