Une visite chez les AA : le long chemin de Pierre vers l’abstinence

Publié le par kreizker

in "L'Acadie Nouvelle" (Canada), 6 juillet 2016

Sa dépendance lui a valu des années de déboires. C’est grâce au programme des Alcooliques Anonymes que Pierre a trouvé la voie vers le rétablissement.

Ils sont sept autour de la table ce dimanche soir, au sous-sol de l’Église Sainte-Thérèse de Dieppe. Sept individus à la vie abîmée par la boisson.

La rencontre s’ouvre sur la lecture des traditions des Alcooliques Anonymes. Chacun est alors invité à parler de son parcours accidenté.

Roger brise la glace.

Il y a quelques années, les tremblements le réveillaient pendant la nuit et la bouteille de fort l’accompagnait jusque dans le lit pour calmer le manque.

«L’alcool était ma maîtresse, ma nourriture», confie-t-il.

Vient ensuite le tour de Pierre.

«Bonjour Pierre!», lance l’assemblée.

Membre des AA depuis 25 ans, il a appris à mettre des mots sur sa maladie.

«J’étais impuissant face à l’alcool. J’avais perdu le contrôle de ma vie.»

Avant de se quitter, les participants récitent la prière Notre Père, main dans la main.

Quelques jours plus tard, Pierre nous invite chez lui et accepte de se livrer une nouvelle fois.

Originaire de la Péninsule acadienne, Pierre a développé un goût pour la boisson dès son jeune âge. Boire est alors synonyme de liberté, de plaisir, de bien-être. Il est déjà incapable de maîtriser sa consommation.

«Dès la première fois, je buvais jusqu’à ce que je tombe, ça en prenait toujours une de plus et ça a été ça toute ma vie…Quand je prenais juste une ou deux bières, c’était une frustration totale. La volonté j’en ai dans plein de domaines, mais quand ça vient à l’alcool… je ne peux pas me battre contre ça. Mon mode de défense tombe dès le premier verre et il n’y a plus de fin.»

L’obsession devient un vrai problème lors de ses années universitaires.

«Ma vie était centrée sur ça sans le savoir, toutes mes décisions circulaient autour de l’alcool. Je me levais le matin dans des places que je ne connaissais pas, les jeans déchirés avec plein de sang. C’était pas une vie.»

À l’âge de 27 ans, il décide d’arrêter de boire, commence à fréquenter le centre de désintoxication et participe à ses premières réunions des AA.

«Je n’y trouvais pas à l’époque ce que j’y trouve aujourd’hui», se souvient Pierre.

Le mal de vivre n’avait pas disparu. Huit ans plus tard, c’est la rechute. Médication, psychiatrie, maison de thérapie, cure… il multiplie les traitements, sans succès.

«Pendant des années je pensais que j’avais un problème de boisson, alors que je souffrais d’une maladie qu’est l’alcoolisme. L’alcool, c’est une solution. Tu bois pour enlever le mal. Mais avec le temps ça se retourne contre toi.»

La dépendance a fait des ravages autour de lui, entraînant la rupture de son couple et l’éloignant de son fils. Il subit successivement la suspension du permis de conduire, la perte de plusieurs emplois et de son appartement.

En 2013, Pierre se met à étudier le programme de rétablissement des AA et ses «Douze Étapes» de manière intensive.

En voici un extrait.

«1.Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de notre vie. 2. Nous en sommes venus à croire qu’une Puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.»

Chaque jour, il en fait la lecture et en discute avec son parrain des Alcooliques Anonymes, puis tente de le mettre en pratique au quotidien.

«Ce partage était très intense, très intime. Ce programme, c’est ça qui m’a sauvé, j’en suis convaincu», lâche-t-il. Les AA c’est la dernière porte où tu vas cogner, mais dans mon cas c’est celle qui m’a libéré. Ça fait du bien. Je découvre qui je suis, je commence à aimer qui je suis…»

Se reconstruire… et réparer les dégâts

Pierre n’a pas bu une goutte d’alcool depuis trois ans et a pu se reconstruire. Malgré les périodes sombres, il a su garder une belle relation avec son fils et la mère de celui-çi.

«Récemment, elle m’a dit: tu ne peux pas savoir l’impact positif que tu as dans la vie de ton garçon même s’il ne vit pas avec toi», raconte-t-il le sourire aux lèvres.

Même s’il se sent plus fort que jamais, il faudra encore du temps pour regagner complètement la confiance de ses proches.

«Avec le temps je me suis aperçu à quel point j’avais fait des dégâts. J’ai blessé du monde. Quand je parle à mon père ou à mon frère, je le ressens.»

Pierre reste un membre actif des discussions AA. Effrayé à l’idée d’être reconnu lors de sa première participation, il craignait le jugement d’autrui. Il a parcouru bien du chemin depuis.

«Avant j’y allais pour chercher quelque chose. Aujourd’hui, j’essaie de donner ce que j’ai reçu. J’ai de l’attrait pour le nouveau qui arrive, qui pleure parce qu’il a peur de perdre sa femme, son emploi et qui ne sait plus quoi faire. Je suis passé par là et je peux lui dire il y a de l’espoir.»

Conformément aux principes des Alcooliques Anonymes, les noms des participants ont été modifiés.

Publié dans AA Québec

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