"Un athée se mesure aux AA pour tenter de sortir Dieu des 12 étapes"

Publié le par kreizker

Membres des AA à New York dans les années 30. Sources : archives publiques

Membres des AA à New York dans les années 30. Sources : archives publiques

Un homme de Toronto, Lawrence Knight, traîne Alcoholics Anonymous World Services, Inc. (AAWS) et le Greater Toronto Intergroup devant le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario pour discrimination contre les athées, les agnostiques et les libres penseurs.

Le GTA Intergroup, un service officiel des AA responsable des listes de groupes de AA dans la région de Toronto, exclut des annuaires et des promotions les groupes athéistes qui ont modifié les textes des AA en enlevant le mot Dieu des 12 étapes. Les athées qui cherchent des rencontres AA sans Dieu n'en trouveront aucune.

La documentation des AA est à l'image de la culture protestante des années 30. Sans aucune autre option en dehors des AA, les athées et agnostiques aux prises avec un problème d'alcool se voient forcés de trouver des moyens d'occulter ce vocabulaire d'Église.

Les premiers groupes de AA athéistes et agnostiques au Canada, Beyond Belief et We Agnostics, ont été les premiers mis à la porte de GTA Intergroup. Depuis, on a vu la même chose se produire à Vancouver et à Kingston.

Lawrence Knight, surnommé « Larry », 58 ans, a lui-même mis fin à son problème d'alcool à l'aide des AA après quand il a pris trop d'ampleur au début des années 90. Mais il croit, comme beaucoup d'autres, que l'utilisation du mot Dieu et de ses synonymes, nombreux dans la documentation des AA, est dépassée.

En particulier, il affirme que les alcooliques (y compris lui-même), qui ont subi dans leur enfance de mauvais traitements de personnes associées à l'Église peuvent mal réagir à la vue du mot Dieu ou d'autres mots associés à la religion. Il était l'une des quelques personnes qui ont lancé des réunions AA laïques à Toronto, après avoir fait la rencontre de plusieurs participants victimes d'abus d'hommes d'Église aux réunions traditionnelles.

Selon lui, un membre qui a parlé d'athéisme au cours d'une réunion a été accusé d'envoyer des membres vers leur mort. C'est ainsi que les fondamentalistes au sein des AA voient l'athéisme. D'après eux, on doit s'en remettre à Dieu pour rester sobre, et affirmer le contraire revient à renvoyer des alcooliques dans la rue, où ils trouveront la mort dans la douleur.

Quelques semaines plus tard, Lawrence Knight et d'autres ont organisé la première réunion des AA laïque, qu'ils ont nommée Beyond Belief. Elle est disparue de la liste de GTA Intergroup parce que le mot Dieu avait été supprimé des 12 étapes. Par la suite, ils ont cessé de participer aux réunions des AA associées à GTA Intergroup.

Ce n'est rien de nouveau. Plusieurs propositions de production de documentation officielle des AA destinée aux athées ont été évaluées. Dans les années 70, l'idée a été examinée au moins six fois distinctes. Cependant, ces demandes d'inclusion officielle de perspectives athéistes et agnostiques ont été laissées de côté, voire refusées. Dans certains cas, on a carrément opposé un veto.

Lawrence Knight explique que les athées se la ferment pour continuer leur désintoxication, par peur de représailles ou parfois par découragement et espèrent que les fondamentalistes finiront par cesser de s'opposer. « En fin de compte, il faut prendre les choses en main et s'occuper de ce qui ne va pas, dit-il. On se le doit et on le doit à l'avenir et au monde. »

L'un de ses amis, Roger C. (on ne mentionne pas le nom de famille chez les AA), a publié Don't Tell: stories and essays by agnostics and atheists in A.A. Il y détaille l'apparente absence de politique officielle des AA, semblable à la tristement célèbre politique « Ne pose pas de questions, n'en parle pas » de l'armée américaine relative au traitement réservé aux personnes LGBTQ.

GTA Intergroup a essayé de gagner du temps ces dernières années, mais toutes les parties vont enfin se rencontrer pour une médiation vers la fin du mois de novembre afin d'éviter un procès.

Auparavant, le 6 novembre, se tiendra une réunion de district, au cours de laquelle des représentants de chaque groupe des AA de l'ouest de l'Ontario voteront pour ou contre une motion en vue d'éliminer la prière de cette rencontre.

Par ailleurs, The Grapevine, le magazine des AA, a publié pour la première fois un numéro complet sur les récits de membres athées et agnostiques.

Quant à AA World Service, le groupe a demandé à être retiré des intimés parce qu'il est situé à New York, et non à Toronto, où la suppression des réunions laïques des listes s'est produite. Voici un extrait de la réponse :

« Cette Décision provisoire fait suite à la demande de l'Intimé, A.A. World Services, Inc. ("AAWS"), que la Requête contre lui soit rejetée parce que le Requérant n'a pas allégué de discrimination à son endroit et parce que la Requête est hors de la juridiction du Tribunal. »

Le tribunal a refusé la demande, car, bien que AAWS soit situé à New York, ses services vont au-delà des frontières. AAWS supervise le General Service Office (GSO), faisant office de bureau central mondial de l'information et de la documentation des AA.

Le Greater Toronto Intergroup n'avait pas répondu aux demandes d'entrevue au moment de la publication de cet article. La médiation débutera le 18 novembre.

Entre-temps, Lawrence Knight assiste encore à des réunions traditionnelles, surtout en dehors de Toronto, quand ses amis fêtent des anniversaires de sobriété. Il attache toujours une grande valeur aux AA, qui, dit-il, l'ont sorti de sa dépendance. Mais il n'est pas pour autant d'accord avec les règles d'exclusion fondamentalistes de certains de ses membres qui imposent leur croyance religieuse aux autres.

Publié dans articles sur AA

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article