"Ancienne alcoolique et sobre depuis 23 ans, elle témoigne"
in "L'Union" (fFrance), 27 février 2017
Caroline est septuagénaire. Sobre depuis 23 ans, la Carolo s’estime toujours alcoolique.
Que pensez-vous de l’opération «Tournée minérale», qui propose aux Belges de ne pas boire d’alcool pendant un mois ?
C’est formidable ! Ça permet à des personnes de se reconnaître en tant qu’alcoolique. Cela permet aussi de savoir qu’il existe quelque chose pour pouvoir s’en sortir. On sait très bien que ce n’est pas la famille qui va nous aider, on ne les écoute pas… Donc c’est important que le message vienne de l’extérieur.
Comment êtes-vous tombée dans l’alcool ?
Déjà très jeune, je buvais pas mal. Un peu plus que les autres. Et au moment où je suis devenue maman, vers 26 ans, on s’est retrouvés dans un quartier tout neuf, où beaucoup de jeunes vivaient. On se retrouvait souvent pour boire l’apéro. Il me fallait de plus en plus d’alcool… Au bout d’un moment, quand je rentrais chez nous, je buvais encore un peu toute seule. Et j’ai vraiment dégringolé à la mort de mon père, parce que j’étais vraiment très malheureuse. J’avais 35 ans. Je buvais toute la journée. J’étais maman au foyer mais j’aurais eu un travail ça aurait été pareil. J’ai bu jusqu’à une bouteille de whisky par jour, faut le faire, hein ?
Comment avez-vous eu le déclic ?
On revenait d’un voyage au Mexique, c’était un 1er janvier. Le soir, avec mon mari, on a fait un petit repas. Apéritif, vin blanc, vin rouge… Et pour finir, des bananes flambées. Au final, j’ai mis le feu à la hotte, parce que je ne savais plus trop ce que je faisais. Bref, le 4 au matin, je me lève. Et je me dis : «Je suis comme tout le monde, j’ai le droit de boire l’apéro». À 10 heures du matin, je me sers un verre de vodka. Mais ce n’était pas assez. À 14 heures, j’avais fini la bouteille. Et là je me suis dit : «C’est quand même bizarre : je n’avais pas de raison de boire. Pourquoi j’ai picolé ?» Mon fils était là, et je lui ai demandé d’appeler le docteur. Depuis, je n’ai pas retouché à une goutte d’alcool. C’était il y a 23 ans.
Comment évite-t-on la rechute ?
Déjà, en venant aux réunions des Alcooliques Anonymes. Ou d’un autre groupe qui fait la même chose. Là-bas, on est entouré de gens qui sont comme nous. On ne se sent plus tout seul. Aujourd’hui encore, le groupe me porte. Selon moi, il y a deux règles principales pour éviter la rechute : ne pas rester seul et ne pas rester inactif. L’oisiveté est la mère de tous les vices. Au début, il faut aussi changer ses habitudes. Par exemple, ne pas aller dans les bistrots, ne pas avoir d’alcool chez soi, éviter les amis avec qui on buvait… Et ce, tant qu’on n’est pas assez fort pour résister à la tentation. En réunion, on entend parfois : «Je pourrais quand même boire un petit verre, je vais gérer». Mais non, c’est l’abstinence totale. Personnellement, malgré 23 ans sans alcool, je ne suis pas capable de boire un verre comme tout le monde et de m’arrêter là.
De nombreux alcooliques sont dans le déni. Que peut faire leur famille ?
Lâcher prise. Dès l’instant où mon mari ne s’est plus intéressé à ce que je buvais, je me suis posé des questions. Ça m’a fait réagir. Il faut laisser l’alcoolique prendre ses responsabilités et assumer sa consommation.