"Béziers : elle est sortie de l'enfer de l'alcool depuis seize ans"
Publié le par kreizker
in "Midi Libre" (France), 25 avril 2018
Elle doit ses 16 ans d'abstinence aux Alcooliques Anonymes et ses groupes de paroles.
Bien sûr, cette Agathoise veut bien témoigner, mais anonymement. “Ce n'est pas mon nom qui compte, mais mon histoire. Si elle peut aider à faire comprendre l'importance qu'a eue l'association Alcooliques Anonymes, pour moi et pour de nombreux alcooliques que je côtoie depuis 16 ans !”. Nous l'appellerons donc Olivia.
La soixantaine, coquette, jolie, le verbe facile mais encore fragile quand elle se penche sur son parcours, sur ses nombreuses années d'alcoolisme, de souffrance, de honte.... “Au début, quand j'étais jeune, j'étais assez introvertie. Je buvais pour chanter, danser, aller vers les autres... J'aimais bien ça. Puis, en 1984, j'ai vécu un grand malheur.
Le mouvement (association) des Alcooliques Anonymes (AA) du Languedoc-Roussillon organise sa septième convention ce samedi 28 avril, de 9 h à 20 h, à la Maison de la vie associative. Tous les membres des divers groupes de la région vont donc se rencontrer pour partager leurs diverses expériences et actions durant l’année écoulée. Cette convention a de particulier qu’elle est ouverte non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi au grand public.
Pour rappel, par tradition, les membres des Alcooliques Anonymes ont toujours pris soin de préserver leur anonymat en public dans la presse, à la radio, à la télévision ou sur les réseaux. "Dans les premiers temps des AA, dans les années 60 en France, le mot alcoolique évoquait une tare plus lourde qu’aujourd’hui, indique Marc, un membre d’un des deux groupes biterrois. Il était donc facile de comprendre la honte de se voir identifié, parfois pointé du doigt".
Mais même si les mentalités ont évolué depuis la création du mouvement international, puisque né en 1935 aux USA, les membres des AA tiennent à leur anonymat, considérant ses « valeurs positives : pour ne pas freiner certains buveurs à problèmes qui refuseraient de nous demander de l’aide ; pour décourager les appétits de reconnaissance, de pouvoir, de prestige ou d’intérêt personnel, puisque nous avançons tous ensemble".
Pour fuir cette réalité que je ne parvenais pas à surmonter, pour oublier la souffrance, je me suis mise à boire. Par exemple, quand je buvais le soir et que, le lendemain, je me regardais dans une glace, j'avais honte de moi, et, pour oublier que j'avais honte d'avoir bu, je buvais et rebuvais”.
Par chance, Olivia n'a jamais perdu son travail, mais avoue avoir bu durant ses heures professionnelles. Même si elle n'a jamais intenté à ses jours, elle confie : “Souvent, quand j'arrivais à la maison, le soir, je me disais “si tu pouvais te casser une jambe, tu n'irais plus travailler et tu pourrais rester toute la journée à la maison”.
C'était une sorte de suicide, je voulais, tellement arrêter de souffrir que je ne voyais que la solution de me retirer de la vie sociale, de la vie, tout simplement. Car je savais que j'avais un problème d'alcool, que je devais arrêter car j'étais très mal mais je n'imaginais pas ma vie sans alcool”.
Mais un jour, soit après 18 ans d'alcoolisme (avec cependant une parenthèse de 3 ans, où Olivia se faisait aider uniquement d'une psychologue), une amie, elle-même alcoolique, l'appelle pour lui demander de l'accompagner dans un groupe d'Alcooliques Anonymes (AA) de Sète. “À l'époque, il n'y avait pas de groupe à Agde”.
Olivia refuse dans un premier temps puis, à force d'insister, son amie la convainc. “Ce coup de fil a été un déclic”, elle ne l'a jamais oublié, c'était il y a 16 ans. Comme elle n'effacera jamais de sa mémoire cette première réunion, appelée “de rétablissement”.
“J'y suis allée à reculons, j'imaginais des gens mal habillés, parlant fort, sans retenue. En réalité, j'y ai rencontré des personnes d'une gentillesse extrême, s'exprimant correctement, des personnes qui ne m'ont pas jugée, pas donné de conseils, de directives... Uniquement des suggestions. C'était moi le canard noir avec mon surpoids et ma couperose”.
Olivia sera tellement en confiance qu'elle racontera avoir “vomi” son mal-être, sa honte, sa souffrance, sa culpabilité. “Et j'ai été écoutée, personne ne m'a interrompue. Alors je suis revenue, et revenue, je n'ai jamais arrêté, sauf pour aller dans un groupe à Agde, quand il a vu le jour”.
Aujourd'hui, Olivia se qualifie d'alcoolique abstinente. “C'est une maladie à vie. Un verre, une fois, et on bascule. D'ailleurs, on table notre vie sur 24 h”. Encore un jour sans boire.
Les Alcooliques Anonymes (AA) sont une association d’hommes et de femmes qui partagent entre eux leur expérience, leur force et leur espoir dans le but de résoudre leur problème commun et d’aider d’autres alcooliques à se rétablir. "Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour devenir membre des AA", précise Marc, qui participe à l’un des deux groupes de Béziers : Camille-Claudel, qui se réunit, tous les mercredis, de 18 h 30 à 19 h 45, au centre Camille-Claudel, au 2, rue Rivetti (derrière Auchan) ; Béziers Margueritte, qui se réunit tous les vendredis, de 19 h 30 à 20 h 45, à la Maison de la vie associative (salle 10).
Les AA ne demandent ni cotisation, ni droit d’entrée, "nous nous finançons par nos propres contributions. Notre but premier est de demeurer abstinents et d’aider d’autres alcooliques à le devenir". Les familles et proches des AA peuvent également être réunis en association, appelée Al-Anon, qui, à Béziers, se réunissent tous les vendredis, à la MVA, de 19 h 30 à 20 h 45. Plus d’infos au 09 69 39 40 20.