"Indre-et-Loire : la parole libérée des Alcooliques Anonymes-

Publié le par kreizker

in "La Nouvelle République" (France), 16 juin 2019

 

Les Alcooliques Anonymes tiendront leur convention régionale dans une cave à Vouvray : « Le choix d’une cave, c’était pour faire un pied de nez à l’alcool » dit Paul.

Les Alcooliques Anonymes tiendront leur convention régionale dans une cave à Vouvray : « Le choix d’une cave, c’était pour faire un pied de nez à l’alcool » dit Paul.

Paul 59 ans, et Émilie 33 ans sont adhérents aux Alcooliques Anonymes d’Indre-et-Loire. Abstinents depuis 15 et 2 ans, ils racontent leur expérience.

L’association des Alcooliques Anonymes (AA) tiendra sa 32e convention régionale le 29 juin prochain aux Caves de La Bonne Dame à Vouvray.
L’occasion de rencontrer Paul et Émilie (*), deux Tourangeaux qui ont accepté de nous parler de leur expérience. 
Paul a 59 ans. Charcutier-traiteur de métier, il est marié et père de famille. Il sera à la retraite dans un an. L’alcoolisme ne l’a « jamais empêché de travailler, dit-il. Je n’ai jamais bu au travail mais sitôt débauché je filais boire mon premier whisky. Avant bien d’autres qui allaient suivre dans la soirée… ». 
Paul est entré aux AA à l’âge de 45 ans. « J’avais essayé d’arrêter par tous les moyens, sans succès ; j’étais devenu un véritable esclave de l’alcool. Et un jour j’ai eu un déclic, une révélation. J’ai dit à mon épouse et à mon fils de 15 ans : “ J’arrête l’alcool parce que sinon je vais mourir. ” Je savais que j’étais arrivé au bout du chemin. C’était ça ou l’alcool allait me tuer. Je me suis fait aider un peu par médicaments puis je suis allé voir les Alcooliques Anonymes. Grâce à ces groupes de parole, où on peut partager notre vécu, qui est souvent comparable, la tenaille s’est desserrée peu à peu, ça a mis un an. » 

“ On vit dans le déni, on ne veut pas être vu ”A quel moment Paul s’est-il dit qu’il était malade, totalement dépendant de l’alcool ? « J’ai pris des cuites étant jeune et au service militaire, comme tout le monde. Mais j’ai commencé à picoler un peu plus vers 25 ans… Et puis les doses ont augmenté… Ça a duré vingt ans. Je buvais surtout du whisky. Souvent en cachette, j’avais l’impression qu’on ne me voyait pas. Les vrais problèmes ont commencé quand j’ai voulu gérer ma consommation ; j’en étais incapable. Après c’est l’engrenage, la spirale infernale. Les mensonges à tout le monde. A sa famille, à son médecin. J’ai fini par ne plus faire d’analyses de sang. Un matin, j’ai été incapable de faire un chèque tellement je tremblais, deux whiskys après, ça allait mieux. Ce n’était pas la peine de me faire un dessin… » 
Émilie, 33 ans, est artisane dans le bâtiment. Maman de deux enfants. Elle est abstinente depuis deux ans. L’alcool à outrance, elle l’a surtout connu après son divorce, à 27 ans. « Au début, je ne buvais pas énormément, mais tous les soirs. Ça m’endormait. Quelques verres, puis une bouteille, puis deux… Pour s’assommer. Tout ça est très lié au psychisme, à ses souffrances personnelles. D’ailleurs beaucoup d’alcooliques ont eu d’autres addictions. Je dirais finalement que j’ai eu de la chance d’avoir une famille qui ne m’a pas fait la leçon à ce moment-là. Je crois que je n’aurais pas supporté les remontrances, ça aurait été encore pire. Les alcooliques vous diront souvent qu’on vit dans le déni, on ne veut pas être vu. Chez moi, avec mes enfants, j’assurais. Je faisais le dîner, les devoirs des enfants, je les couchais. Et après je buvais. Mais à un moment les enfants se rendent compte de votre état. Il est arrivé que ma fille de 5 ans ferme les volets de la maison le soir parce que je ne pouvais plus me lever… » 
“ Le “ juste un verre, ça n’existe pas quand on est alcoolique ”« Moi non plus je ne buvais pas la journée au travail, ajoute Émilie. Mais toute la journée, je ne pensais qu’à ça : est-ce que j’aurais assez à boire chez moi le soir en rentrant ? Qu’est-ce qu’il restait dans le placard, au frigo ? Ça devient une obsession. Avec tout ce que ça induit derrière. Ça conditionne toute votre vie. Vous vivez pour ça. L’alcoolisme pousse à faire de grosses bêtises. Une des caractéristiques de notre problématique, c’est la perte de contrôle. J’ai fait une cure, j’ai été hospitalisée… » 
Paul et Émilie voudraient que leur parole et celle de leurs coreligionnaires des AA portent leurs fruits.« Après nos interventions, ici et là, nous nous disons que nous avons peut-être planté une petite graine dans l’esprit de quelqu’un qui se décidera à franchir le pas. Parce que quand on est alcoolique, le juste un verre, ça n’existe pas. Quand on est alcoolique on l’est jusqu’au dernier jour », dit Paul. « Mais on peut aussi être abstinent pour toujours. Avec les AA on n’est plus seul. Et ça peut vous sauver la vie ». 
Émilie complète : « Aux AA, j’ai trouvé une grande ouverture d’esprit, il n’y a pas de barrières, pas de jugement, mais un cadre et des règles, d’ailleurs quand on veut se sortir de l’alcoolisme on est en demande d’une ligne de conduite. On y trouve l’aide dont on a besoin et on aide les autres ». 
(*) Les prénoms ont été changés.

Repères

Moyenne d’âge : 40 ans

> L’association des Alcooliques anonymes est née aux États-Unis en 1935, créée par un chirurgien et un courtier en bourse.
> Les AA se sont implantés en France en 1960, sous l’impulsion de l’écrivain Joseph Kessel. 
> En Indre-et-Loire, les trois groupes de parole de Tours, Chambray et Loches fédèrent une quarantaine de personnes. L’association organise régulièrement des interventions publiques, notamment dans les centres de cure en addictologie, comme à Louis-Sevestre (La Membrolle) ou Malvau (Amboise). 
> Aux trois groupes de parole d’Indre-et-Loire, la moyenne d’âge des participants est de 40 ans. Il y a autant de femmes que d’hommes. 
> Contacts et infos : 06.50.91.27.37 (Indre-et-Loire) ;
aatours2019@gmail.com
www.alcooliques-anonymes.fr
Permanence 24/24 H, 
tél. 09.69.39.40.320 (N° Cristal).

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