"Les Alcooliques Anonymes de Brioude racontent leur crise sanitaire"
in "La Montagne" (France), 21 Janvier 2021
Confinement, couvre-feu, reconfinement et de nouveau un couvre-feu. Comment les périodes d’isolement liées aux restrictions sanitaires ont été vécues par les membres des Alcooliques Anonymes de Brioude ? « Cela a été très compliqué », confie Mélanie (*). Abstinente depuis deux ans et demi, la jeune femme a perdu son emploi avant le premier confinement. « L’isolement vous rend plus fragile. Cela vous déboussole, les pensées sombres s’amplifient », explique-t-elle.
Les réunions hebdomadaires qui se tenaient habituellement en présentiel ont été remplacées par des échanges à distance. « Cela a quand même permis de discuter, d’exprimer ce que l’on ressent et de poser des mots sur les problèmes. L’alcoolisme est souvent lié aux émotions », ajoute-t-elle. Pour Gisèle (*), 60 ans, « même si on ne pouvait plus boire un café ensemble », les contacts à distance ont été précieux.
« S’il n’y avait pas eu ces réunions, je ne sais pas si j’aurais pu tenir... Parler de notre maladie, écouter les autres, c’est indispensable pour nous. »
GISÈLE (Membre des Alcooliques anonymes)
Paradoxalement, la situation sanitaire a rapproché les membres entre eux, raconte Mélanie : « On s’appelait plus souvent pour prendre des nouvelles de chacun. Cela a resserré les liens. » Sortis du premier confinement, les groupes de parole en présentiel ont pu reprendre à Brioude. « Nous avons changé de local pour finalement nous retrouver à l’ancienne école Jean-Pradier », rapporte-t-elle. Mais la joie des retrouvailles a vite laissé place au couvre-feu du mois d’octobre. « Nos réunions étaient avancées pour pouvoir respecter les limitations de déplacement à 21 heures », poursuit-elle.
Les périodes d’isolement ont été très mal vécues notamment par les jeunes abstinents, « qui sont plus fragiles que les autres ». Certains ont pu trouver refuge dans d’autres activités. « J’ai beaucoup lu. Des livres écrits par les alcooliques eux-mêmes. Ça m’a fait du bien », glisse Gisèle.
« Le stress et le confinement ont pu augmenter les consommations d’alcool, ou les diminuer du fait de la limitation des interactions sociales. »
ALICE VILLEPOUX (psychologue au Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie de Brioude)
Par ailleurs, la fermeture des débits de boisson n’a pas impacté la consommation d’alcool. « Il y a vraiment tout type d’alcoolisme. Ceux qui ne peuvent plus boire au bar achètent de l’alcool dans une épicerie pour consommer chez eux », indique un membre des Alcooliques Anonymes.
Le second confinement n’a pas arrangé les choses. Mais c’est surtout le durcissement des règles de déplacement de janvier qui a été difficile pour les Alcooliques Anonymes. « Ce couvre-feu est presque plus dur qu’un confinement. La limite des 20 heures et maintenant de 18 heures change beaucoup de choses. » En effet, les réunions physiques du fait de l’horaire avancé ne peuvent plus se tenir. De plus, l’éloignement, l’absence de contact, a freiné les nouveaux membres. « Les personnes qui voulaient nous rejoindre ont eu un peu plus de mal, car il fallait aller sur Internet plutôt que de pousser la porte. » Et les réunions à distance ont donc repris, « c’est compliqué, mais c’est toujours mieux que rien ».