Seine-et-Marne : des groupes de parole pour lutter contre le fléau de l'alcool
in "La République de Seine-et-Marne" (France), 1° Juin 2023
En Seine-et-Marne, une dizaine de groupes de parole des Alcooliques Anonymes sont proposés à travers le territoire. Reportage à Fontainebleau.
Tous les mercredis soirs, un groupe de parole des Alcooliques Anonymes est proposé à la maison des associations de Fontainebleau
D’après les chiffres de Santé publique France publiés en 2020, quelque 23,7% de la population âgée de 18 à 75 ans dépassaient les repères de consommation d’alcool. En Seine-et-Marne, de nombreux groupes de parole sont mis en place par les Alcooliques anonymes – les AA – pour aider les personnes qui souhaitent trouver une aide afin d’arrêter de boire.
« Le désir d’arrêter de boire »
À Fontainebleau par exemple, un groupe a été créé dès 1980 et permet aux personnes d’obtenir une aide pour ne pas rester seules. Chaque mercredi, à 20h30, les participants se retrouvent à la maison des associations (6, rue du Mont Ussy). « La seule condition pour faire partie du groupe, c’est le désir d’arrêter de boire », insiste Michel, l’animateur du groupe de Fontainebleau qui va passer la main, mercredi 31 mai 2023, après 40 ans d’abstinence.
« Je n’ai jamais rebu une seule goutte, depuis le 30 mai 1983 », insiste-t-il. Son rapport à l’alcool a été progressif : un verre, puis deux, puis trois. Toujours en cachette. « Au pire moment de ma consommation, je buvais jusqu’à 4 litres par jour et tout ce que je pouvais trouver : de l’alcool à brûler, de l’alcool à 90°, liste-t-il. C’est une véritable torture face à laquelle il ne faut pas rester seul. »
Dans le groupe, on retrouve des femmes et des hommes de tous les âges et de tous les milieux. Anthony*, 38 ans, a lui eu le déclic en 2018. « C’est un contrôle routier qui m’a mis face à mon problème, se souvient celui qui travaille dans le milieu sanitaire et social. Je faisais un déménagement, il faisait chaud et j’avais bu plus que de raison quand j’ai pris le volant. »
Remise en question
Son constat est alors sans appel : « Quand je commence à boire un verre, je ne sais plus m’arrêter. » S’il n’a heureusement blessé personne, Anthony a décidé d’en finir avec son addiction. Depuis deux ans, il participe aux rencontres : « Ici on peut parler sans peur d’être jugé. Tout le monde est confronté aux mêmes difficultés alors que dans un cercle d’amis ou en famille, c’est souvent impossible d’évoquer le sujet. Grâce à ces rencontres, j’ai pu reprendre ma vie en main, réaliser une véritable remise en question. »
Dans chaque groupe de parole, les participants évoquent un partage d’expérience salutaire, mais aussi un échange de leurs forces et de leurs espoirs. Aucune inscription n’est nécessaire et il n’y a ni cotisation ni droit d’entrée. Le seul objectif : rester abstinent, face à l’alcool.
David*, 35 ans, ouvrier qualifié, a partagé son témoignage dans le cadre d’une soirée sur la thématique du déni. « J’ai commencé au collège, confie-t-il. J’étais très sportif, je n’ai pas eu une enfance compliquée : tout le monde peut être confronté à l’alcoolisme. » C’est une déception amoureuse qui l’a fait basculer.
« On ressent de l’euphorie et sans s’en rendre compte, on commence à boire en cachette », se désole-t-il. Comme beaucoup de participants, l’alcool l’a confronté à la justice : arrêté avec 2,5 g d’alcool par litre de sang alors qu’il conduisait un scooter, il écopera d’une peine de sursis.
« Le plus dur c’est de venir »
« J’étais dans une forme d’inconscience totale : je conduisais même mes enfants et je ne savais même pas par où j’étais passé ». Privé de ses enfants, confrontés à des problèmes avec la banque, il décide alors de pousser la porte des AA. « J’étais désespéré, mais j’avais l’envie de m’en sortir… De toute façon c’était soit ça ou alors je me foutais en l’air. »
Entendre des récits de personne qui remontent la pente lui a alors fait prendre conscience de chaque victoire : « On avance 24 heures à la fois et c’est important d’être écouté par des gens qui connaissent ma maladie. » Cela fait désormais 9 ans qu’il n’a plus touché à une goutte d’alcool et il souhaite aussi encourager les personnes à venir se confier : « On voit rapidement les effets bénéfiques et j’ai vite retrouvé confiance en moi, jure-t-il. Le plus dur c’est de faire la démarche de venir. »
Un constat partagé par Michel : « On voit que l’on n’est pas seul et surtout, on apprend à ne plus avoir honte. Durant toutes ces années, la puissance qui m’a guidé, c’est d’avoir aidé les autres. » Pour sa dernière séance, mercredi 31 mai, il livrera son témoignage. « C’est une maladie comme les autres et le plus important c’est de trouver le moyen de s’en sortir. Ces échanges sont salvateurs pour tout ceux qui veulent se faire aider », conclut-il.
*Prénoms modifiés à la demande des intéressés
Cet article est paru dans La République de Seine-et-Marne du lundi 29 mai 2023, dans le cadre d’un dossier sur les Alcooliques Anonymes en Seine-et-Marne.