"LES ALCOOLIQUES ANONYMES, C’EST COOL"

Publié le par kreizker

in "Urbania" (Québec), 25 Octobre 2023

 

C’est la fin de l’alcoolisme, mais pas la fin du plaisir

"LES ALCOOLIQUES ANONYMES, C’EST COOL"

C’est le mois de l’Halloween et de la dépression saisonnière pour ceux qui ont oublié de sortir leur lampe de luminothérapie et de commencer le traitement dès le mois de juin. Le temps est propice pour vous raconter des histoires d’épouvante sur les activités d’une société qui se cache dans nos salles polyvalentes et nos sous-sols d’église, très tard le soir. Comme dirait Casper : Spooky.

Je parle d’une association avec des membres anonymes. Par principe, je citerai la célèbre émission Frissons, grand succès de feu Canal Famille : « Cette histoire est arrivée à l’amie d’une de mes amies. » Appelons-la Sandra. Sandra est une femme fringante et de bon goût, bien entourée de gens festifs. Une seule ombre au tableau : comme un loup-garou, à la pleine lune (et à toutes les lunes possibles, bien franchement) elle devient une terrible bête en quête d’amaretto sour jusqu’à plus soif.

Vient un temps où Sandra s’isole, gênée de se métamorphoser bien malgré elle dès la tombée de la nuit. Elle se sent comme un monstre. Un soir, en pleine débandade, Sandra rencontre une femme fantastique, aux grands cheveux, aux yeux brillants, un spécimen qui semble flotter tellement elle semble heureuse. Est-ce un ange, une fée, une elfe ? Non, c’est juste une résidente de Villeray qui a une bonne hygiène de vie. Elle a arrêté de boire et est prête à aider Sandra sans retour. Étrange, étrange.

Ça existe encore, des humains prêts à aider d’autres humains sans vouloir quoi que ce soit en retour? Sandra doit aller rencontrer la fée dans un sous-sol d’église qui manque d’amour depuis au moins la Révolution tranquille, un lundi soir, à 20 heures. Elle se dit que d’être ici au lieu d’être en train de boire, c’est bien ça, le fond du baril.

Sandra fait confiance à la fille à la voix douce, et entre dans le sous-sol. Ça parle fort, ça rit fort, les bancs craquent sous la présence d’autant de membres. Il fait chaud d’une chaleur à laquelle Sandra n’est pas habituée. La chaleur de la sécurité.

La réunion commence. Sandra pensait que ça allait être comme dans les films. Beige, triste, avec des voix monotones qui se disent à l’unisson : « Bonjour, Paul. Bonjour, Monique. » Le bon Dieu par-ci, par-là. Des gens qui pleurent, des gens qui toussent tristement dans le fond d’une pièce écho. Mais donnez-leur une pastille, pour l’amour.

Contre toute attente, Sandra assiste à un témoignage très peu chrétien d’une durée de près de 50 minutes d’une femme tellement drôle qu’elle pourrait avoir son propre one woman show. Sandra rit, et pleure aussi, par moments. Elle se reconnaît dans une dame qu’elle aurait autrefois jugée, du haut de son gros ego. Il y a quelque chose qui s’exorcise, mais ça ne fait pas mal, étonnamment.

À la fin de la réunion, on demande s’il y a des nouveaux. L’amie d’une de mes amies ne veut pas se lever. Elle a peur que quelqu’un la reconnaisse. Sandra se voit comme malade et la salle la voit en rétablissement. Sandra se voit comme une alcoolique, les autres la voient comme une humaine qui veut s’affranchir de ce qui l’empêche de devenir la meilleure version d‘elle-même. Quelqu’un dit à Sandra : « On va t’aimer jusqu’à tant que tu t’aimes. »

Sandra dit : « Okk, c’est beau, je vais aller le chercher mon jeton. »

Notre bonne amie chemine avec les Alcooliques Anonymes, depuis. Il y a eu une période d’adaptation. Le mot « Dieu » est présent. Elle a changé ça pour « puissance supérieure », comme le font bien des membres, d’ailleurs. Elle n’a pas eu à chercher loin pour trouver quelque chose de plus grand qu’elle. La puissance du groupe, c’est bien en masse.

Rapidement, les salles sont devenues un endroit rassurant. C’est quand même fascinant, qu’en 2023, il existe encore des gens qui partagent leurs histoires dans la sécurité de l’anonymat, ensemble. C’est gratuit, en plus. Et si jamais elle ne peut pas se déplacer, il y a les rencontres virtuelles.

Elle assiste à des réunions, les vendredis soirs, des réunions avec des gens cools, habillés beau, des gens inspirants qui sont au sommet de leur forme. Elle sort avec eux après, boire du café, se coucher tard. C’est la fin de l’alcoolisme, pas la fin du plaisir.

Le sentiment de sécurité, le travail que les 12 étapes requièrent, le résultat de ce processus, Sandra le souhaite à tout le monde qui en a besoin.

Si tu as un problème de consommation, peu importe lequel, il existe une fraternité anonyme pour t’aider. Si tu as besoin d’un signe pour que tu fasses le premier pas, le voilà. Il n’y a aucun engagement, ce n’est pas une secte. C’est un peu bizarre, certes, mais c’est moins bizarre que ta vie dans la consommation, je te le jure. Et tu vas voir, les AA, c’est cool.

Publié dans AA Québec

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