"Annonay - La sobriété heureuse est possible"

Publié le par kreizker

in "Le Réveil du Vivarais" (France), 2 Décembre 2023

"Annonay - La sobriété heureuse est possible"

L’alcoolisme touche toutes les classes sociales et ne fait aucune distinction de genres, d’âges… Au sein des Alcooliques Anonymes, des femmes et des hommes se battent contre ce fléau.

Anxiolytique à bas prix, aucune ordonnance n’est nécessaire. Pour autant, atteindre une sobriété heureuse est possible.

Pour les uns, l’alcool est une drogue puissante, sournoise, bien plus forte que l’héroïne, mais admise par la société. Peu onéreuse, donc très accessible et de surcroît en vente libre, elle est accessible par tous. Pour d’autres, c’est « une valeur refuge. Quand quelque chose de beau arrive on le fête, quand quelque chose de triste arrive on boit encore ». Mondaine, festive, elle envahit nos us et coutumes et peut même ne représenter aucun ou peu de risques pour de nombreux d’entre nous. On se sent tout puissant, mais pour quels enjeux ? L’alcool serait-il un danger de tous les instants ?

« Il est possible de se trouver tout un tas d’excuses pour commencer à boire »

« J’étais bonne vivante. Une vie tout ce qu’il y a de plus normale. Il m’a suffi d’un choc, ajouté à de la fatigue et un accident qui me laisse seule pour que je sombre. J’ai commencé seule par un verre, puis deux, puis trois. Il est possible de se trouver tout un tas d’excuses pour commencer à boire. Avant que tout casse, quand ma consommation est devenue abusive, ma famille pensait que j’avais des troubles neurologiques : difficultés à parler, prononcer, troubles de la mémoire…

Une antenne à Paris m’a indiqué les pratiques de la réunion d’Annonay. Je m’attendais à tout sauf à ceci. Ce n’est pas qu’une question de volonté, le groupe m’a déculpabilisé. Il y a ici beaucoup de sollicitude, d’empathie. Le 10 janvier 2016 j’ai surfé sur la vague. Je me suis battue jour après jour… Ici, c’est une autre famille, d’autres amis, un autre soutien. Si je rechute, ils ne porteront aucun jugement. »

Anonymes, vous ne saurez jamais qui se cache derrière ces témoignages. Pour autant, il est possible de vous assurer qu’il s’agit de personnes comme vous et moi, parfois à la tête de leur entreprise, cadre, employé, demandeurs d’emploi… Sachez qu’il y a autant d’hommes et de femmes, de tout âge. Ils et elles sont mariés, célibataires, grands-parents… Parfois, leurs premières consommations étaient somme toute banales, sans doute comme les vôtres, parfois encore, pour épater les copains. Et puis un jour, allez savoir pourquoi, tout bascule.

Une soirée une fois par semaine

Alors une fois par semaine, tous se dédient une soirée pour eux, pour se retrouver entre eux, aux Alcooliques Anonymes. Retrouver celles et ceux qui comprendront le mal dont ils souffrent. Sans le groupe, ils sont unanimes, ils ne seraient plus là. La première année de sobriété étant la plus dure, « Ensuite, ne pas rater le maillon est primordial, tout comme la franchise. Nous admettons être impuissants face à l’alcool. »

Alors, pêle-mêle, forts de leurs expériences avec l’alcool ils témoignent.

« Ce n’est ni une tare, ni un défaut, c’est une maladie. Et il est important de savoir qu’il est possible de s’en sortir bien que ce soit difficile… » C’est en ces termes que l’entretien avec C., abstinente depuis 33 ans, commence.

« Il faut savoir que lorsque tu te lèves le matin, t’es en manque de la nuit. En toute sincérité tu veux t’arrêter mais ton corps va refuser le café que tu vas te servir. C’est l’alcool qu’il veut ! L’alcool plaisir peut rester l’alcool plaisir mais pour certaines personnes il y aura une dépendance. Le corps aura besoin de sa dose pour la journée. Et nul ne sait qui deviendra un jour dépendant ou non. »

« Cela devient une obligation tout au long de la journée de trouver le moyen de se procurer de l’alcool. Alors oui, tu arrives parfois à avoir une vie à peu près normale avec des dosages tout simplement énorme. D’autant que gardons bien à l’esprit que la banalisation de la consommation commence très jeune. Ici, les conscrits c’est une école de la consommation. Et pendant ce temps-là, ils se sauvent tous les uns les autres lorsqu’ils prennent une cuite. »

« 40 ans d’alcoolisme avec une vie dominée par l’alcool, faite de hauts et de bas. À la suite d’un coma, j’ai entrepris une démarche. Je suis venue ici pour sortir de la solitude. J’ai compris que je n’étais pas seule. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je viens aux rencontres. Sobre ou non, nos familles sont dans l’incapacité de nous comprendre, de nous aider. Ne me demandez pas pourquoi ! »

« Moi, j’ai commencé vers 14 ou 15 ans par une longue période d’alcoolisation avec d’autres jeunes. Nous n’avions ni conscience des risques, ni de la quantité d’alcool que nous buvions. Pompier volontaire, lors d’une intervention, on m’a indiqué la porte de sortie. J’étais devenu un danger pour moi et pour les autres. La dépendance développée rapidement a fait que j’ai dû être hospitalisé. Mon refuge ? l’alcool car je flippais. Ma sobriété a connu des périodes en dents de scie. Les AA sont une famille, on se met à nu et le groupe nous fait tellement confiance que lorsqu’on rechute on a la sensation de les trahir. »

Sobriété heureuse, comment faire ?

« Être traité par un médecin spécialisé, être soutenu psychologiquement aussi, avec le réel désir de s’en sortir, on y arrive. Seul, c’est loin d’être évident. Souvent on repousse l’échéance. On se réalcoolise. Et on culpabilise… c’est le cercle infernal. »

« D’abord il faut atteindre la sobriété physique soit ne pas consommer d’alcool, apprendre à gérer ses émotions sans produit. Une fois qu’on est sobre, il suffit de ne pas boire pour aller bien. Les cas de rechutes restent importants car les occasions de boire sont nombreuses mais gardons à l’esprit que lorsque l’alcool nous mène à la déchéance, tout redevient calme une fois que l’on arrête. La sobriété émotionnelle est importante dans une vie normale jalonnée de joies, de peines. Lorsqu’elle est vécue de manière sobre c’est une victoire. »

Pratique

Groupe d’Annonay des Alcooliques Anonymes : 3 rue Jean-Joseph Besset, réunions le mercredi soir à 20 h 15.

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