"Gaillac. Deux alcooliques anonymes évoquent leur combat"

Publié le par kreizker

in "La Dépêche" (France), 24 Juin 2024

Marc et Patricia, comme d’autres ont surmonté leur addiction et militent aujourd’hui pour aider les autres à s’en sortir. Mais ils restent prudents: la menace est toujours présente

Marc et Patricia, comme d’autres ont surmonté leur addiction et militent aujourd’hui pour aider les autres à s’en sortir. Mais ils restent prudents: la menace est toujours présente

Appelons-les Marc et Patricia : ils vivent en couple et se sont connus à l’antenne gaillacoise des Alcooliques Anonymes où il a été adhérent depuis le début, en 2008, et où elle est venue un peu plus tard. Ils racontent.

Marc a arrêté de boire depuis 22 ans, Patricia depuis 18 ans. Si leur terminus est commun, leur trajectoire est différente. Patricia a commencé de boire seule. Quelques vins cuits, et puis en trois mois, elle s’est portée vers des alcools plus forts. "Seule, car en société, je ne buvais pas. J’ai essayé d’arrêter pendant six ans, sans résultat. Après une cure, j’avais bien arrêté un an, je me croyais guérie". Marc a commencé à l’âge de 14 ans, avec un coma de 24 heures et une semaine d’hôpital. "Le goût ne m’a jamais transcendé. L’alcool me permettait de disparaître". Il se vivait comme le vilain petit canard de la fratrie, de l’école. "Je me sentais à ma place nulle part. Un mal de vivre m’accompagnait en permanence" . Il a pourtant eu une compagne et une fille, mais passait d’un boulot à l’autre, d’un accident de voiture à l’autre. À l’occasion de sa énième cure où sa sœur l’avait conduit, il a eu contact avec les Alcooliques Anonymes. "J’avais 28 ans. J’y suis allé pendant cinq ans sans pouvoir décrocher. Jusqu’à 33 ans, j’ai bu sans penser que j’étais alcoolique". Aujourd’hui, il est convaincu que l’alcoolisme est une maladie incurable, progressive et mortelle. Vous avez dit incurable ? "Oui, je serai alcoolique jusqu’à ma mort, même si je ne bois plus depuis longtemps. Il suffirait que je prenne un verre et je repiquerai. Mais je le sais". Toutes les semaines, le mercredi à 19 heures, dans une petite maison près du square Joffre, les 14 "amis" (ils s’appellent ainsi) se retrouvent pendant 1 h 30. D’abord pour une prise de parole individuelle, sous le contrôle d’un modérateur, puis sur un thème défini par les cinq membres du comité d’organisation : la confiance, l’espérance, la reconnaissance, mentir c’est reboire, etc. Une fois par mois, la séance est ouverte au public : il y vient des proches, des médecins, des étudiants en sociologie…

Marc et Patricia ont franchi les "douze étapes de leur rétablissement". La première d’avouer leur impuissance devant l’alcool. "C’est lui le plus fort". La deuxième, faire le bilan de ce qu’ils sont et réparer les torts qu’ils ont causés. Il ne faut pas leur parler de bière sans alcool, car qui dit "bière" les rapprocherait de l’ennemi. Marc résume. "Ce qui pourrait me mettre en danger, c’est d’oublier que je suis alcoolique". Avec quels autres en partenariat parfois avec l’antenne de Castres, il se rend à la clinique Saint-Salvadou d’Albi ou à la prison de Seysses pour parler avec des personnes concernées. "Je leur rappelle la condition première pour faire partie des Alcooliques Anonymes : c’est le désir d’arrêter de boire. Même si moi, j’ai rejoint le groupe surtout pour arrêter de souffrir. L’alcool, c’était le symptôme, ma maladie, c’était la peur". Il s’est fixé un itinéraire : qui je suis, qui je voudrais être, et comment y arriver. Marc et Patricia ont dû "réapprendre la vie", mais ils restent sur leurs gardes : l’alcool, lui, ne désarme jamais.

Publié dans AA france

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article