"LES AA S'APPRETENT A PORTER UN TOAST (SANS ALCOOL) ALCOOLIQUES ANONYMES : DEPUIS 40 ANS EN BELGIQUE"
in "Le Soir" (Belgique), 18 Février 1993
Les AA s'apprêtent à porter un toast (sans alcool)
Alcooliques Anonymes : depuis 40 ans en Belgique
Jean était un ado comme les autres. Il levait le coude de temps en temps. Au service militaire, il apprivoisait encore la bière. Et puis, il y a eu ce «déclic». De fichus problèmes affectifs qui l'ont plongé dans l'alcoolisme. Je me souviens d'avoir passé une semaine entière à boire du matin au soir. Henri était un ouvrier perpétuellement enrhumé. Lorsqu'il toussait sur le chantier, il se soignait à grosses gorgées d'un «médicament» de sa préparation, qui n'avait du sirop que l'étiquette du flacon. Leur mauvais feuilleton se conjugue désormais au passé. Depuis qu'ils ont poussé la même porte, il y a quelques années, ils soufflent.
Je n'ai plus touché à un verre depuis cinq ans, dit Jean. Même si la tentation est toujours là, obsessionnelle. Je résiste de mieux en mieux, mais il n'est jamais facile, au boulot, de voir les bouteilles d'alcool rangées dans la même armoire que le percolateur...
Cette porte, c'est celle des Alcooliques Anonymes. Ils s'y retrouvent toutes les semaines. Pour échanger leurs expériences, se féliciter de l'effort accompli, ou débattre d'un thème précis. Leurs maîtres mots: l'abstinence et la solidarité.
On sait que l'on ne guérira jamais tout à fait, dit Henri. L'important, c'est de pouvoir rester à l'écart du moindre verre. De ne pas retomber. Un numéro d'appel fonctionne vingt-quatre heures sur 24 si l'un d'eux a besoin d'aide (1).
L'association est née en 1935 aux États-Unis de la rencontre de deux hommes que l'histoire retiendra sous les seuls prénoms de «Bill» et «Bob». Depuis lors, leur idée a essaimé. Les AA comptent aujourd'hui 88.000 groupes, présents dans 134 pays...
En Belgique, cela fait quarante ans que le premier cercle s'est établi à Bruxelles. Un anniversaire que les quelque 600 groupes (200 francophones et 400 néerlandophones au sein desquels se retrouvent au moins 10.000 AA) du pays s'apprêtent à fêter.
Samedi 27 février, à Alost, une journée commémorative sera placée sous le thème «mieux vivre». Au programme: diverses informations sur la «maladie alcoolique» (pour les AA, il ne fait aucun doute que l'alcoolique est un malade qui colle peu à l'image du clochard ivrogne), des témoignages, un rappel historique du mouvement, etc.
Si vous avez essayé de cesser de boire durant une semaine (ou plus) pour constater que vous n'y parvenez pas, s'il vous arrive de boire tôt dans la matinée, si vous souffrez de pertes de mémoire, si vous avez des absences au travail pour cause d'excès de boisson, des problèmes dus au même motif dans votre ménage (tels sont quelques-uns des symptômes que décrivent les AA), alors il y a de fortes chances que cette journée s'adresse à vous.
Mais pas à vous seulement, car elle entend viser un large public et, même sans champagne (du moins pour les alcooliques car ils ne veulent pas priver les autres...), elle a l'intention de pétiller : les festivités s'achèveront par une soirée dansante.
JOËLLE MESKENS
(1) Les Alcooliques Anonymes, 13, rue du Boulet, 1000 Bruxelles. Pour tous renseignements : 02-511.40.30 ou 513.23.36.