BELGIQUE, bruxelles, au théâtre

Publié le par kreizker

11 MARS AU 2 AVRIL 2011  au THEATRE DE POCHE à 20h30

 

Le Projet HLA 3

 

                     "Le Projet  HLA"

 

Le texte de Nicolas Fretel traque les tares de la vie familiale dont les ravages sont terribles.

Un père, une mère, un fils… un meurtre.

Une destinée tragique et génétique.

Une tragédie techno répétitive et obsédante à l’écriture

somptueuse et poétique

thriller musical différent tous les soirs !

 

Le Projet HLA

LE FILS : Laisse, maman, ce n’est rien bientôt je le tuerai de mes mains.

LE PÈRE : Tu crois peut-être en être capable ?

LA MERE : Je l’aiderai s’il le faut.

 

 


 

J’aurais pu passer cent fois devant cette porte sans voir la feuille blanche scotchée mentionnant la réunion des AA de ce mercredi. Je rentre. Seul témoin extérieur, je suis un peu mal à l’aise. A la fin de la séance, Marie accepte de répondre aux questions sur le lien entre parents et enfants dans la boisson.

 

« Il n’y avait pas d’alcool à la maison et la bouteille de genièvre qu’avait reçue un jour mon père est restée dix ans dans l’armoire.

Et pourtant, ma mère est devenue alcoolique.

C’est arrivé sournoisement. Elle était souvent alitée, ‘fatiguée’, elle négligeait la maison, se plaignait beaucoup. Elle buvait. La famille était aveugle aux signes, sauf mon plus jeune frère, qui se faisait maltraiter en silence et qui savait. Il savait qu’il y avait dans le garage un bac de bière « officiel » et un « officieux ». Les voisins aussi savaient. Et puis, un événement,

le départ vers l’Italie de ma très responsable soeur aînée a précipité les choses. Démunie, ma mère a craqué, vécu un premier séjour en psychiatrie suivi d’une longue descente aux enfers. L’alcool est devenu le centre de toutes les conversations avec sa procession de moyens dérisoires : cacher les bouteilles, les vider, passer des reproches au désir d’aider, arracher de vaines promesses, menacer, condamner, se sentir impuissant.

Cela a duré des années. Ce que je ressentais ?

J’étais devenue transparente pour ma mère et obligée de porter un masque pour le reste du monde, tout en cherchant désespérément le moyen de s’en sortir. J’avais 20 ans, envie de vivre, et liée par un serment de loyauté à

celle qui s’était tant dévouée pour nous et qui était devenue un monstre.

Et puis un jour, deux hommes, invités par mon père, sont arrivés et se sont installés autour de la table de la cuisine. Ma mère est descendue : elle était ivre. Mais ils avaient un autre langage très ferme. Surtout ils ne s’en

laissaient pas conter et démontaient les uns après les autres les arguments qu’elle avançait.

C’était en 1970. Je découvrais les AA qui m’ont sauvée 30 ans plus tard.

Ce jour-là, malgré son ivresse, quelque chose s’est passé pour ma mère. Elle n’a pas arrêté tout de suite de boire, mais elle est allée aux réunions et elle les aimait. Je le sais aujourd’hui, elle devait se sentir «chez elle». Des années après, elle m’a montré une petite médaille : elle

l’avait reçue pour ses 10 ans d’abstinence. Et elle était sobre au moment de son décès. »

 

Marie, après votre maman, à votre tour, vous êtes devenue alcoolique.

Quand j’étais mariée, je buvais « socialement», et des grands crus, mais sans doute un peu trop. Et c’est au moment du divorce que j’ai basculé dans un comportement problématique. J’ai commencé à boire seule, n’importe quel vin, à chercher l’effet, à augmenter rapidement les doses...

A sombrer.

 

Y voyez-vous un déterminisme dans le fait

de devenir alcoolique ?

Chez certaines personnes, la « réaction alcoolique» est là au premier verre : l’alcool les transforme en une autre personnalité : ils se sentent «à leur place », moins timides, plus audacieux, plus charmants… Mais pour d’autres, l’addiction prend du temps. On parle de dix à douze ans pour l’alcool, alors qu’il en faut cinq pour la cocaïne et…une semaine pour la cigarette. J’ai lu que des personnes pouvaient avoir les symptômes de la dépendance alcoolique après neuf mois, rien qu’en buvant du vin. Le problème est que socialement, la plupart des gens trouvent normale une consommation

qui conduit à terme à la dépendance : plus de deux verres par jour pour une femme, plus de trois pour un homme, sans un arrêt au moins une fois par semaine. Il suffit alors d’un choc, un événement déstabilisant, pour que la consommation augmente de manière problématique.

 

Le Projet HLA 4

 

La famille peut vous amener à boire ?

C’est sûr. Le milieu social joue. L’addiction, c’est la convergence entre un environnement favorable, une personnalité et un produit. Naître dans une famille d’alcooliques prédispose à la dépendance. La dépendance prend de multiples formes : on peut être dépendant aux médicaments, aux drogues

« illicites », à l’alcool, au jeu, au travail, à l’internet, à la nourriture, être dépendant affectif et sexuel, être dépendant d’un autre alcoolique. On parle de codépendance. Dans ce groupe, certains sont déjà venus ensemble, parent et enfant.

Après, ils ont été chacun dans des réunions différentes parce que la parole

est libre et cette liberté est difficile et encore plus douloureuse à exercer avec un proche dans la salle.

 

L’alcoolique en famille est-il différent de l’alcoolique « isolé » ?

Dans une famille alcoolique, il y a une forme de codépendance. Vous orientez votre vie vers l’alcoolique, il devient une obsession mentale. C’est l’angoisse permanente : on n’ose plus inviter les amis, on a peur quand

il ou elle prend la route, on se sent en colère parce qu’elle n’assume plus ses responsabilités... mais on téléphone au patron pour dire « qu’elle a eu une indigestion la veille et qu’elle ne pourra pas venir travailler ».

Comment va-t-elle se comporter à l’extérieur ? Va-t-elle me frapper ? Dépenser tout l’argent ? Ces angoisses vont déboucher sur une forme de dépendance chez certains enfants. Le pire, ce sont ces «trous noirs» où l’alcoolique commet les pires actions et ne se souvient plus de rien le lendemain. Quelque chose se fige : l’obsession de l’alcoolique est d’avoir en permanence de l’alcool, l’obsession du coalcoolique est de vouloir chasser

l’intrus.

 

Si l’enfant se met à boire, il existe une « lune de miel » entre parent et enfant, réunis un temps dans l’ivresse ?

Non. Le parent alcoolique n’est pas fiable, il est imprévisible comme tous les alcooliques. Un jour il débarque avec un jouet, l’autre jour, tu es transparente. L’enfant d’alcoolique ne peut pas tisser une relation sereine avec son

parent parce qu’il y a deux personnes en lui, Docteur Jekyll et Mister Hyde, et il ne sait jamais à qui il a affaire.

 

Le Projet HLA 2

 

Comment secourir un alcoolique ? Arrive-t-il souvent qu’en tendant la main, il entraîne son conjoint dans la noyade ?

Le conjoint ne peut pas comprendre le problème de l’intérieur. Cela lui paraît tellement absurde puisqu’« il suffit de ne plus boire ». Si, il y a 75 ans, le mouvement des AA est né, c’est parce qu’un alcoolique a parlé à un autre alcoolique et qu’ils ont compris qu’ils avaient besoin l’un de l’autre.

Pour le conjoint, l’essentiel est de « reprendre sa vie », de se détacher du comportement de l’alcoolique, de ne pas se «noyer» avec lui, et surtout de se faire aider. Car c’est un poids énorme à porter, une grande détresse

qu’il est difficile de solutionner seul.

 

L’alcool n’est-il qu’un révélateur d’une faille dans la famille ? Un manque d’amour, ou un amour qui passe mal ?

Il y a souvent une faille au niveau familial. Chez nous, on entend souvent des histoires d’abandon. Certaines personnes ici ont eu « l’âme brûlée ». Et elles ont cherché à créer un autre besoin pour réparer la blessure.Maintenant,

l’alcool n’est pas toujours une conséquence d’un mal-être. Il peut se vivre de manière sociale, puis avec les excès, des névroses se révèlent, ou même des psychoses. Avec la déchéance, l’équilibre de vie est rompu.

 

Olivier Bailly

L’alcool en fa(m)ille

 


 

Pour en savoir plus sur la pièce et son auteur : link

 

Le Projet HLA 1

 


Théâtre de Poche

Chemin du Gymnase, 1a - 1000 Bruxelles

Publié dans cinémAA

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