Monter un escalier avec les marches qui craquent jusqu’au deuxième étage du bâtiment E de la Cité Plessis, les Alcooliques Anonymes le font chaque mardi soir à Pontivy. Dans la salle du groupe Pontivy Renouveau, où bruisse la machine à café, l’accueil est chaleureux. Jean-Marie (Ndlr : tous les prénoms de cet article ont été changés), médiateur et doyen abstinent depuis 37 ans, a véhiculé Bruno, un nouveau venu.
Parmi les onze personnes réunies de 19 h 30 jusqu’à 21 h ce 12 novembre, Bruno est tendu. Jean-Marie rappelle le cadre de l’association créée en 1935 avec une méthode de douze étapes, la quatrième est « l’inventaire moral approfondi de nous-mêmes ». Des mots qui parlent.
« Accepter qu’on est alcoolique ! »
Sensible à ce nouveau venu, Hubert se veut persuasif. « Ça va faire un an et neuf mois demain que je n’ai pas touché un verre, j’ai longtemps cru que je pouvais m’en sortir tout seul. Ma première réunion était une révélation de voir comment les gens étaient heureux sans alcool. J’ai compris que la solution était de ne plus prendre le premier verre… La première étape, c’est accepter qu’on est alcoolique. Ce programme m’a sauvé la vie, bienvenue ! »
Le remerciement de l’audience fait écho dans la salle aux murs agrémentés d’affiches porteuses de mots. Bruno peut se lancer. « Ça fait un bail que je picole. J’ai fait quelques mois d’abstinence, mais une bière a suffi pour repartir. J’ai fait quatre cures qui n’ont pas marché. Et un ami abstinent m’a parlé des Alcooliques anonymes. Je sais que ça ne va pas être facile ».
« Quand on n’est pas bien, on peut appeler »
Les témoignages poignants se succèdent. « J’ai touché le fond il y a trois ans », attaque René. « Je venais aux Alcooliques Anonymes et quand je sortais, je recommençais. Je me disais que je n’étais pas alcoolique, car je ne buvais que le soir ». Cette réflexion, Brigitte s’en sert d’introduction avant d’enchaîner. « Quand je suis venue, j’ai vu qu’il n’y avait pas que moi. Ça aide de voir les amis, le groupe, on a une méthode, de la lecture. Et quand on n’est pas bien, on peut appeler. »
« Il y a une entraide », appuie Antoine. Denis confirme : « J’ai posé mon verre grâce au groupe, de voir les autres évoluer, ça me porte encore ! » Et Thérèse prolonge. « J’ai trouvé des gens qui m’ont écoutée, ça m’a fait énormément de bien ».
« À chaque réunion, je suis une autre personne »
Jean-Marie montre alors un petit fascicule jaune. « On va te donner ce petit carton avec des numéros de téléphone… il m’a sauvé. Un soir, j’ai composé le premier, j’ai parlé cinq-dix minutes, je n’avais plus envie de boire ». Thérèse enfonce le clou. « À chaque réunion, je suis une autre personne… une semaine avant la première, j’avais vidé mes bouteilles dans l’évier, je voulais arriver en forme. Et depuis, je n’ai pas repris de verre, ça fait deux ans et neuf mois. »
Jean-Marie indique la voie à suivre quand « l’agression » de prendre un verre se manifeste. « Il faut boire de l’eau, du café, du thé ou manger du chocolat. Et le livre « Vivre… sans alcool ! » m’a beaucoup aidé. » Le nouveau venu s’en est emparé dès la fin de la réunion.
C’est d’un pas plus léger qu’on redescend l’escalier du bâtiment E de la Cité Plessis. L’espoir a remplacé l’angoisse.