Alcooliques Anonymes. « Aujourd’hui, je marche la tête haute »
in "Le Télégramme" (France), 29 octobre 2018
Chaque semaine, entre douze et quinze personnes se retrouvent à la réunion des Alcooliques Anonymes de Concarneau. Les témoignages qui y sont exprimés sont durs, parfois touchants et témoignent d’une irrépréhensible envie de s’en sortir.
La règle de base au sein de l’organisation des Alcooliques Anonymes (AA), c’est l’anonymat le plus complet. Il n’y a ni nom, ni adhésion, ni fichier et rien de ce qui s’est dit ne doit sortir de la salle. Le groupe concarnois, qui se réunit chaque jeudi soir, a consenti à une exception, le 25 octobre dernier, en acceptant la présence d’un membre de la rédaction. Une quinzaine de personnes, en majorité des hommes, se retrouvent ce soir-là dans les locaux du centre socioculturel La Balise.
C’est comme une pancarte qu’on a dans le dos et qu’on n’arrive pas à retirer
« En général, ce sont des habitués. Mais il y a parfois des nouveaux venus et d’autres qu’on revoit après une période d’absence plus ou moins longue » explique Françoise (prénom modifié). Aux AA depuis seize ans et comptant parmi les serviteurs du groupe local, elle modère la réunion hebdomadaire. Il est 20 h 30 et tandis qu’une boîte de bonbons passe de main en main, elle ouvre la réunion par la formule consacrée : « Bonsoir, je m’appelle Françoise et je suis alcoolique ». Si l’usage du présent de l’indicatif peut surprendre de la part de personnes devenues abstinentes, pour certaines depuis plus de 20 ans, c’est la tradition. « Parce que quand on a été alcoolique, on le reste toute sa vie, même si on ne boit plus. C’est comme une pancarte qu’on a dans le dos et qu’on n’arrive pas à retirer », glisse, à l’issue de la réunion, l’un des plus assidus.
Congrès national en novembre à La Baule
L’ordre du jour démarre par des informations pratiques sur les futurs rendez-vous, dont le congrès national programmé en novembre prochain à La Baule (44) et les anniversaires à fêter. Ces bougies ne correspondent pas aux dates de naissance mais bien aux années d’abstinence. Vient ensuite le rappel de l’un des buts de l’association, suivi de la lecture d’une pensée. Ce texte renvoie à la dimension spirituelle de cette organisation qui, dans sa présentation, annonce n’être associée « à aucune secte, confession religieuse ou politique ».
Avant d’inviter chacun à s’exprimer sur l’acceptation, thème choisi pour cette réunion, Françoise sollicite un témoignage. Anne, la cinquantaine, se porte volontaire et retrace de longues années marquées par une forte consommation d’alcool et de drogue. « Je me terrais, on ne me voyait plus, on m’oubliait. Je m’en suis tirée avant de replonger, un an plus tard. C’est à ce moment que j’ai franchi la porte des Alcooliques Anonymes. Depuis, je suis fière de ce que j’ai accompli, je peux marcher la tête haute », dépeint-elle, durant une dizaine de minutes.
Des encouragements dans les regards
Son témoignage est touchant. Il suscite à la fois de la tristesse et de l’admiration parmi les autres alcooliques. Pour autant, ce difficile parcours de vie n’est suivi d’aucun commentaire. Le principe est d’écouter, non d’instaurer un dialogue à partir du vécu de l’un ou de l’autre. Plus que dans les mots, c’est donc par le biais des regards captés au fil de son récit qu’elle reçoit des encouragements.
Lors des interventions suivantes, celles de Philippe, Simone ou Patrick, la même dureté s’exprime. La difficile reconnaissance de se reconnaître comme un malade, les conséquences sur l’entourage, la perte du conjoint ou du boulot, les cures, postcures et les périodes de sevrage. Des périodes douloureuses aujourd’hui plus ou moins loin suivant les intervenants.
Au bout de deux heures, la séance prend fin autour d’un café chaud précédé d’une courte prière. Les Alcooliques Anonymes promettent de se revoir la semaine suivante, avec toujours autant de courage et une détermination à rester abstinent et à aider d’autres à le devenir.
Contact
Réunion des Alcooliques Anonymes, chaque jeudi, à 20 h 30, au centre socioculturel La Balise, rue Colonel-Moll à Concarneau. Tél. 09 69 39 40 20 (numéro Cristal) ou 06 63 17 53 24 ; alcooliques-anonymes.fr