extrait

Publié le par kreizker

Un trou dans le vocabulaire

To be addicted to : s’adonner à, s’abandonner à, se vouer, se consacrer, se livrer, se donner.

            Telles sont les traductions proposées par le dictionnaire pour le meilleur verbe anglais et le plus souvent utilisé quand il s’agit d’exprimer la dépendance durable d’un sujet à l’alcool. On remarquera la tonalité quasi religieuse de l’ensemble. Il y a dans ces six verbes un peu d’enfant voué au bleu et au blanc (a-t-on oublié cet inoubliable nom d’une boutique célèbre ?), des émois de Catherine de Sienne, du renoncement, de la faiblesse, de la passion, et comme l’idée d’un engagement. Je cherche un mot qui désigne la victime (ou l’élu ? le sacrifié ?) sans le marquer de la connotation désobligeante qu’imposent alcoolique, ivrogne, etc. Pourquoi pas soûlard ? Je préférerais encore prisonnier. Mais les pertes de sens seraient trop nombreuses. « Prisonnier » est un mot qui fuit, si j’ose dire. Si je m’en rapporte à mon expérience, on pourrait écrire : l’absent, ou l’absente. Ne dit-on pas d’un homme légèrement ivre « il est parti » ? Ou encore, en rudoyant un peu la prudence qui me bride : intoxiqué, toxicomane. Oh, ça sent la seringue, le bricolage affreux des coins de trottoir, laissons-le aux toxicos. Toxico ? Non, la nuance est fausse. Il n’existerait donc aucun mot ? Double sens soudain donné à l’œuvre des Alcooliques Anonymes. Peut-être « anonymes » cache-t-il non seulement l’identité des membres mais ce trou dans le vocabulaire. Je cherche encore et trouve ceci : biberonneur, licheur, tonneau – pour mémoire … Je ne déteste pas « l’imbibé » (le ravi de la crèche ?), ni ivrogne, ni la poivrade. Je les cite ici pour m’en interdire l’usage.

EAU-DE-FEU, François Nourissier, pages 148, 149

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M
encore des extraits,c'est vraiment interessant.Merci
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