Extrait :
Tout est très lié à mon histoire personnelle, mais au moment où on écrit le film, j’avais arrêté de consommer depuis longtemps. Je suis encore aujourd’hui très investi dans les réunions des Alcooliques Anonymes, qui ont été très importantes pour moi, et qui font partie intégrante du film.
PARLEZ-NOUS DES ALCOOLIQUES ANONYMES.
J’y ai rencontré des gens que je n’aurais pas pu rencontrer autrement, qui ne sont ni de mon âge, ni de ma culture, ni de mon milieu social. Mais on se retrouve, on se rencontre et on partage. Il n’y a pas d’échelle de valeur dans la douleur, chacun a la sienne. Michel y fait la découverte de la spiritualité, qui n’est alors ni une représentation, ni un Dieu, ni une croix ou une étoile. C’est autre chose, au-delà de ça et c’est ce qui lui permet d’ouvrir des portes et trouver une résilience. Aux Alcooliques Anonymes, on croise des gens brisés qui se remettent debout. On y trouve une solidarité vraiment puissante. Et ce sont des lieux où on se marre. Les parcours de vie sont souvent tragiques mais il y a une charge de survie tellement importante qu’on arrive à dépasser la gravité pour en rire aussi.
CE QU’ON VOIT DÈS LE DÉBUT DU FILM, C’EST L’IMPORTANCE DU PARTAGE…
Oui. C’est ce qu’on appelle l’identification, qui fait qu’on ne se sent plus seul et n’a personne pour nous juger. Dans la première scène, tout est fait pour qu’on comprenne immédiatement qui est cet homme avec qui on va passer du temps. C’est une blessure vivante avec une parole déversée. Et ce qui est intéressant dans cette scène, c’est l’écoute, notamment cette femme derrière lui, qui est attentive à sa parole mais ne le regarde pas.
TOUT EST FICTIONNÉ DANS CETTE SCÈNE ?
Complètement. Elle est recréée à partir de ce que Maxime a entendu dans une véritable réunion des Alcooliques Anonymes, mais tout est totalement écrit. Cette scène a été difficile à jouer pour moi. Quelque chose ne marchait pas. C’est alors que Maxime m’a pris à part et m’a dit « Arrête de faire François, fais Michel ». On a refait une prise et c’était la bonne. C’était le bon déclic, on était alors entré véritablement dans la fiction.
Extrait :
Qu'est-ce qui vous a aidé, vous, à vous en sortir ?
François Créton : Les Alcooliques Anonymes ont été une révélation pour moi et pourtant, comme c'est un programme américain, le mot Dieu apparaît souvent et j'avais un peu de mal avec ça... Mais des traductions différentes parlent de puissance supérieure, de puissance du groupe, de "Dieu tel que chacun le conçoit". J'ai finalement découvert un programme spirituel. Là-bas, mes préjugés se sont écroulés. J'ai revu mon regard sur les gens que tu juges hâtivement. Je me suis rendu compte que la possibilité de prendre le temps de travailler sur soi, d'être ensemble, dans une réflexion, à l'écoute les uns des autres, ça fonctionne. J'ai vu des personnes se révéler. Leurs histoires ont changé ma vie. Ça m'est arrivé de ne plus être le même après une réunion. C'est ce qu'on veut dire dans le film: c'est ensemble que ça marche. Comme le dit le dicton: "Tout seul je vais plus vite, mais à plusieurs on va plus loin."
"Les émotions peuvent m'enlever ma sobriété"
Continuez-vous à vous impliquer aux Alcooliques Anonymes ?
François Créton : Oui! Il faut s'occuper des réunions pour qu'elles fonctionnent. Quand je suis arrivé la première fois, heureusement qu'il y avait des anciens. Et puis j'ai remarqué que si je ne me rends pas en réunion, je ne vais pas bien. Je commence à avoir un peu de solidité donc je n'ai pas trop le risque de boire, mais sans ces moments, il me manque quelque chose pour ma sobriété mentale... Même sans consommer d'alcool, les émotions peuvent m'enlever ma sobriété. J'ai besoin des réunions pour la retrouver. Méditer m'aide aussi beaucoup. Le médicament des alcooliques, c'est de l'eau et de l'air!