Une expérience à la Bill W.?
L'ALCOOL
L’alcool a tué autour de moi trop de gens que j’aimais pour que je taise ici toute la haine que j’éprouve à son égard. Drogue facile, vulgaire, lente, peu coûteuse, elle fait partie de nos moeurs si ce n’est de nos traditions et c’est en cela qu’elle est satanique. Il faudrait n’en jamais boire pour ne jamais en avoir envie car le premier verre en appelle un deuxième, la bouteille commencée ne demande qu’à être finie et il y en a plein d’autres dans la cave et chez les marchands de vins. On résiste facilement au premier verre, parce que l’on est conscient, au suivant, c’est plus difficile et toujours plus difficile le lendemain que la veille, alors on se laisse emporter comme le bouchon par la rivière, dont on croit qu’elle est enchantée. J’ai trop bu, trop longtemps, et j’ai vu trop d’alcooliques autour de moi s’enfoncer jour après jour dans la dépendance, y déchoir, s’y déshonorer, pour ne pas hurler contre cet ennemi auquel je vois tant de jeunes succomber dans l’allégresse, comme si c’était un plaisir convenable, salvateur.
Le 14 novembre 1974, il y aura bientôt quarante ans, la tête lourde, j’ai décidé d’arrêter tout, alcool et tabac. J’ai coulé un bain froid et je m’y suis glissé dans la délectation, j’ai demandé à Dieu de m’aider, je me suis regardé dans la glace, j’étais un autre homme, un ressuscité, c’est le plus beau jour de ma vie.
in "Le mouvement des Alcooliques Anonymes devient adulte" & "Le point de vue de Bill" (page 2 : "Entre les mains de Dieu")
Ma dépression s’aggravait, devenait insupportable. Il me semblait que j’étais au fond du gouffre. Les derniers vestiges de mon obstination orgueilleuse étaient anéantis. Tout à coup je me suis surpris à crier : « S’il y a un Dieu, qu’il se manifeste, je suis prêt à tout, à n’importe quoi ! »
Tout à coup, la chambre s’éclaira d’une grande lumière blanche. Il me sembla, en imagination, que j’étais sur une montagne où soufflait un vent, non pas d’air mais d’esprit. Et soudain, la vérité m’apparut : j’étais un homme libre.
Peu à peu mon extase s’apaisa. Pendant un certain temps, couché sur mon lit, je me trouvai dans un autre monde, en moi, je ressentais le merveilleux sentiment d’une Présence, et je pensais : « Le voici donc, le Dieu des prédicateurs ! »