Luc, alcoolique abstinent depuis 28 ans
in "L'Avenir" (Belgique), 6 octobre 2014
Luc, 60 ans, est alcoolique abstinent depuis 28 ans. Il était au congrès annuel des AA à Waremme ce samedi. L’occasion de souvenirs…
Assis à une table, dans le réfectoire du Collège Saint-Louis, Luc, 60 ans, contemple le gobelet qui lui réchauffe les mains. Il esquisse un sourire en coin. «Pas la peine de chercher une seule goutte d’alcool là-dedans.» Cela fait 28 ans qu’il est abstinent. Levant les yeux vers l’assemblée, Luc cherche sa femme, Huberte. Elle est partie leur chercher un encas au bar. De loin, il reconnaît des visages au milieu des 1200 autres Alcooliques Anonymes présents à ce congrès annuel. Mais c’est surtout vers les absents que ses pensées vont. Ceux qu’il a rencontrés dans son propre groupe de paroles à Waremme. Ceux qui ont malheureusement rechuté. «Cela peut arriver à tout le monde. Il suffit d’une seule goutte et trois semaines plus tard, on vous retrouve dans un état lamentable.» Luc sait de quoi il parle. En 28 ans, dans son groupe de 20 personnes, il aura connu des tragédies: une Waremmienne qui rechute après 25 ans d’abstinence, trois suicides et puis cet autre membre qui, trop en manque, s’est incendié l’intérieur du corps en buvant de l’alcool à brûler. «C’est en voyant tous ces malheurs que je réussis à éloigner l’alcool», avoue-t-il.
Les Alcooliques Anonymes tenaient leur congrès annuel samedi, à Waremme. (voir : http://0z.fr/chus7)
C’est à 12 ans, lors de sa profession de foi, que Luc goûte à la bière pour la première fois. Quatre ans plus tard, il entre à l’armée. À l’époque, dans les années 70’, cette même bière coulait à flot dans les casernes. «Il fallait savoir boire pour être militaire. Moi, je ne sais pas combien j’en buvais sur la journée, mais sur l’heure de midi, je n’en buvais que 13», ironise l’homme, aujourd’hui pleinement conscient de son ancienne addiction. «Je commençais à boire à 8h du matin et je ne mangeais pas. Mais déjà à l’époque, j’avais cette idée en tête qui ne me lâchait pas quand je buvais : ‘Aide-toi et le ciel t’aidera’.»
En 1983, Luc est papa d’une petite fille. Trois ans plus tard, il essaie de lui inculquer l’importance d’un bon petit-déjeuner. Il se force à manger devant elle. Mais rien n’y fait. Chaque fois, son repas finit dans les toilettes. «Imaginez-vous ce que ma fille devait penser de moi. Elle ne voulait d’ailleurs plus m’approcher.» De temps en temps, Luc se retrouvait dans un café avec son épouse et sa fille. «Je ne savais pas quoi dire à ma fille quand elle me demandait pourquoi papa ne rentrait pas avec nous à la maison, explique Huberte. Je devais lui mentir, lui cacher la vérité, inventer des histoires comme je le faisais devant le reste de la famille.» Au final c’est grâce au regard de sa petite fille que Luc a compris qu’il était malade. C’était la première étape vers la guérison. Le 9 juin 1986, Luc se fait faire une prise de sang à la caserne. Le 10 juin 1986, il rejoint les Alcooliques Anonymes et ne touche plus une bouteille d’alcool. Trois mois plus tard, il reçoit les résultats de sa prise de sang. Le médecin le regarde avec douleur et lui annonce qu’il a un début de cirrhose. Luc ne peut s’empêcher de sourire. «Refaites-m’en une maintenant. Vous verrez. Je n’ai plus rien.»