« C’est insupportable de voir son enfant boire sous vos yeux, se détruire »

Publié le par kreizker

in "Le Monde" (France), 1° Janvier 2024

(Extrait)

« C’est insupportable de voir son enfant boire sous vos yeux, se détruire »

L’association Al-Anon propose un accompagnement des familles de personnes ayant un problème avec l’alcool. L’objectif ? Réduire la souffrance des aidants.

Ce lundi de décembre, une vingtaine de personnes – ce jour-là, uniquement des femmes – sont assises en cercle dans une salle louée dans une église du 17e arrondissement de Paris. Elles sont mères, épouses, filles de personnes souffrant d’un trouble lié à l’alcool, et se réunissent chaque semaine pour cette réunion de l’association Al-Anon, qui dure environ deux heures.

Ces groupes sont nés aux États-Unis en 1951, à l’initiative des épouses des fondateurs des Alcooliques Anonymes (AA). L’association Al-Anon, créée en France en 1962, compte actuellement 135 groupes en France. Un seul objectif : aider les familles d’alcooliques. Des groupes existent également pour les adolescents, Alateen. Une campagne, intitulée « Une bouteille à la mer », vient de débuter pour sensibiliser ces groupes de soutien, car « les dommages collatéraux de l’alcool sur l’entourage des patients alcooliques sont rarement abordés ».

« Nous pensons que l’alcoolisme est une maladie familiale – une personne alcoolique fait souffrir en moyenne cinq personnes de son entourage – et que le changement d'attitude des aidants peut contribuer au rétablissement », c’est ainsi que commence la réunion, ouverte cette semaine par Jeanne (les prénoms ont été modifiés). L’anonymat est la règle. Lors du premier tour de table, l’appréhension des fêtes de fin d’année, où les occasions de boire un verre seront nombreuses, revient souvent. Le thème de ce lundi, « Un jour à la fois », est l’un des outils d’Al-Anon. Cette méthode en douze étapes s’appuie sur celle des AA, sorte de guide vers le rétablissement.

Rappelons que l’alcool, responsable directement ou indirectement de plus de 200 maladies, tue environ 41 000 personnes chaque année en France. C’est le principal facteur de risque de mortalité prématurée et d’invalidité chez les 15-49 ans.

Épouse d’un mari alcoolique devenu abstinent depuis longtemps, Sandra, qui fait partie du groupe depuis une vingtaine d’années, décrit son état d’étonnement face à “tsunami” causée par la maladie mentale de son fils et sa consommation croissante d’alcool. Toutes les femmes de ce groupe sont arrivées “désespéré”, un disant « je ne sais plus vers qui me tourner », un autre “Pensant que [sa] la vie était finie”un troisième parlant de“un brouillard monstre, un trou noir”.

Libérez-vous de la culpabilité

Alors de Lucie, dans le groupe depuis juin 2020 : « J’étais à bout de souffle, en mode survie. Le problème d’alcool de mon fils était mon obsession. » Son fils, qui souffrait de phobie scolaire, voyait dans l’alcool une solution à ses troubles anxieux ; c’est devenu une béquille pour lui dès l’âge de 16 ans. « Il s’est mis en danger à plusieurs reprises, avec des accès de violence, de nombreuses hospitalisations. C’est insupportable de voir son enfant boire sous ses yeux et se détruire.» ,dit-elle. « Quand j’ai rejoint le groupe, j’ai eu pour la première fois une lueur d’espoir, de réconfort, parce que je pouvais m’exprimer avec des gens qui connaissaient ce problème, et on vit des choses tellement extrêmes… » Elle a aussi pu se libérer de la culpabilité d’être une mauvaise mère, se dire qu’elle n’allait pas bien et essayer de changer les choses. « Je n’ai trouvé ce soutien nulle part ailleurs, ni chez les psychiatres, ni chez les médecins. J’essaie de vivre du mieux que je peux et d’être un soutien, indirectement. »

Publié dans ALANON ALATEEN

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article