Jacques fêtera quarante ans d’abstinence

Publié le par kreizker

in "La Voix du Nord" (France), 10 mai 2014

Jacques fêtera quarante ans d’abstinence avec les Alcooliques anonymes de Nieppe et Armentières

 

C’est un homme élégant, posé, sage. À 82 ans, il fréquente avec assiduité les réunions des Alcooliques anonymes, après quarante ans d’abstinence. Pour témoigner de son parcours. Pour rendre un peu de la force qu’il y a puisée pour arrêter. Il sera présent mardi pour la réunion du groupe d’Armentières-Nieppe.

Même s’il ne souhaite pas être photographié, Jacques est un homme connu. Dans les réunions des Alcooliques anonymes, son témoignage est écouté. Respecté. Parce que beaucoup de trentenaires ou de quadras s’y reconnaissent. « J’étais un garçon timide. J’ai commencé à boire à 18 ans avec les copains. Au départ, ce n’était pas dramatique. C’était même intéressant, presque une potion magique ! J’ai utilisé l’alcool pour cacher mes défauts de personnalité. Mais dès 22-23 ans, je ne savais plus boire un peu. C’était tout de suite l’excès. Dès le premier verre, je ne savais plus m’arrêter. » Pourtant, longtemps, « très longtemps, j’ai estimé que je saurais gérer. C’est la fierté qui tue les alcooliques ».

Alors il s’arrange avec lui-même. Représentant, il estime que boire un coup l’aidera à affronter ses clients, à décrocher des contrats… qu’il faudra ensuite arroser. « Quand mon ex-femme me disait que je n’étais pas capable d’arrêter, je lui disais, mais si regarde, j’arrêtais un mois, je replongeais derrière. Mon grand truc, c’était de me dire que je pouvais boire comme tout le monde. Je ne pouvais pas envisager une vie sans alcool. »

 

« J’étais à bout... »

Même s’il devait passer des heures à retrouver sa voiture, avoir la tremblote les jours sans alcool, se sentir moins que rien les jours où il avait replongé. « C’est un cercle vicieux car la culpabilité est une souffrance, et quand on souffre, de dépit, de colère, de solitude, de revanche, on se réfugie dans l’alcool », analyse-t-il avec le recul. Il note aussi que « la société est très dure avec les alcooliques ».

Et puis c’est le déclic. « Je me suis retrouvé à l’état de clochard sur un banc. À bout. Au bout de ma souffrance. J’ai appelé un ami, après avoir descendu trois-quatre demis. Il m’a fait hospitaliser. Cette cure-là a été différente. Pour la première fois, je la faisais pour moi, pas pour les autres. »

Le traitement a été efficace. Mais cette aide médicale, il ne peut pas la dissocier de celle des Alcooliques anonymes. « Une chance car ça m’a permis d’évoluer, de me rétablir positivement, de mieux me connaître. » Il plaisante aussi : « Je me disais c’est anonyme, c’est très bien ça, personne ne le saura. »

Il sait qu’il a été insupportable, n’a rien pu cacher de son parcours à ses quatre filles pour qui il a été « un père absent ». Il sait qu’il a été parano, dissimulateur. Jusqu’à ce que le désir d’arrêter soit plus fort que l’envie de boire. Un tournant attendu, reporté, mais enfin atteint grâce aux AA.

Grâce à eux, il a compris trois choses : « Que j’étais alcoolique, que le premier verre me foutait dedans et que je voulais changer. » Pas simple car il lui a fallu mettre de côté son orgueil, sa fierté, son amour-propre. « Je suis enfin devenu sincère avec moi-même. Je suis allé régulièrement aux réunions. Là, personne ne me jugeait. Quand j’entendais les autres parler, ça me rappelait étrangement ce que j’avais vécu. » Les Alcooliques anonymes partagent leurs expériences, pas toujours glorieuses, pour dissimuler leurs bouteilles, les jeter dans la poubelle du voisin. Leur étrange vécu, comme se réveiller la gorge sèche après voir rêvé d’alcool. « Une cuite sèche » disent ceux qui sont passés par là. Mais aussi leurs recettes, pour savoir poliment refuser de l’alcool dans un pot. Ou digérer la raclée, après avoir entendu de l’entourage, « t’étais plus marrant quand tu buvais ».

 

FRANCE 138

Jacques ne souhaite pas être reconnu. Autour d’une tasse de café, il se confie.

 

 

Une belle aventure

Un parcours idyllique ? Sinueux plutôt, mais assumé désormais. « L’alcool ne fait plus partie de moi, ne me tente plus. J’ai rencontré des abstinents heureux, pleins d’humour sur eux-mêmes, qui m’ont donné envie de leur ressembler. Alors oui, parfois, la vie réserve des épreuves, mais elles sont le sel de ma vie. » Au bout de quarante ans d’abstinence, il fréquente toujours les réunions, il lâche le mot, « c’est un bonheur, pas du tout des réunions tristes. Voir les gens se relever, s’en sortir, avoir sur eux une attitude positive inconditionnelle, quel que soit l’état dans lequel ils sont arrivés, c’est une belle aventure ».

Pas de gêne si au départ un nouvel arrivant se contente d’écouter, à un moment, il aura envie de parler. La force du groupe est là, avec un modérateur. Et une écoute qui permet à des hommes et des femmes de se relever. Sans alcool. Libres désormais.

 

Les Alcooliques anonymes, où les trouver?

L’association remonte à 1935 aux États-Unis. Il existe cent seize mille groupes dans cent quatre-vingts pays. Il s’agit de groupes de parole ouverts aux hommes et femmes de tous milieux. Le désir d’arrêter de boire est la seule condition pour être membre. Les AA ne demandent ni cotisation, ni droit d’entrée. Le mouvement s’autofinance et n’accepte aucune contribution de non-membres. L’anonymat est la base du mouvement. Il ne s’agit ni de diagnostic médical, ni de service social. On peut les contacter au 03 20 24 08 75 pour rejoindre un groupe dans la métropole lilloise. Le groupe d’Armentières-Nieppe se réunit le mardi à 20 h au centre médico-scolaire, au 825, rue d’Armentières à Nieppe. Une permanence nationale fonctionne 24h/24 au 0820 32 68 83 (numéro indigo, 12 cents la minute depuis un poste fixe).

 


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Groupe d’Armentières-Nieppe

Publié dans AA france

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