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litterature - sciences

"Un petit coin de paradis... Essai sur l’alcoolisme masculin"

Publié le par kreizker

in "Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe", 2004/2 (n° 43)

Extraits : 

Il suffit d’écouter des patients abstinents (et non pas sobres comme le distinguent subtilement les Alcooliques Anonymes) pour entendre une douleur dont l’alcool s’était fait le pansement

L’alcoolisme me semble apparaître comme une forme mineure de spiritualité (la quête d’un ailleurs sacré) dotant un produit totem (car mis tabou) des attributs du sacré (puissance, radicale hétérogénéité) que l’on ne peut raconter, mais rencontrer, le corps, comme celui du mystique par les stigmates, attestant de cette impossible narration : c’est la faille épistémo-somatique. La Puissance supérieure des Alcooliques Anonymes est le substitut de ce toxique totémisé quand cessent les libations.

Chez les Alcooliques Anonymes, l’anonymat signe une reconnaissance première avant un désaveu second et la soumission à une puissance supérieure : « L’anonymat d’un dieu dont tous les hommes, y compris le père, sont les sujets dévots» 

L’alcoolique s’emploie à résoudre cette énigme par ses éclipses et renaissances : il s’éteint ivre mort pour renaître de lui-même. Cette seconde naissance que revendiquent les Alcooliques Anonymes en se donnant pour âge celui depuis leur abstinence.

Quant au Dieu supérieur, c’est la Puissance supérieure des Alcooliques Anonymes accessible par « le minutieux examen de conscience » qu’autorise le Big Book, ouvrage de référence de cette société qui érotise la connaissance de soi à laquelle seuls les initiés auront accès : « Il n’y a qu’un alcoolique qui puisse comprendre un autre alcoolique. » Nous retrouvons donc les ingrédients de la gnose : l’élection d’un nouvel Autre de l’Autre (Dieu supérieur), la fétichisation du savoir, l’organisation en société mystérique, la salvation par la connaissance. 

"Un petit coin de paradis... Essai sur l’alcoolisme masculin"
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Mon expérience de médecin alcoologue avec les Alcooliques Anonymes

Publié le par kreizker

Dr Isabelle Sokolow 

Editions Cazaubon - « Le Carnet PSY » 2001/1 n° 61 - pages 42 à 45

 

Nous connaissons tous les statistiques sur les dégâts causés par l’alcool : les blessés, les morts sur la route, l’absentéisme au travail, les maladies physiques et psychiatriques, les suicides, les incarcérations, sans oublier les cassures et la maltraitance dans les cellules familiales... Et sans oublier la souffrance vécue par le malade alcoolique et par son entourage.

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Il n’existe pas un même schéma thérapeutique pour tous les malades. Chaque patient est différent : son histoire, son enfance, sa personnalité, ses difficultés de vie professionnelle, familiale, relationnelle. La relation à l’alcool est différente pour chacun : alcool plaisir, alcool médicament, alcool suicide, alcool défonce, alcool pris avec d’autres drogues… Les patients ont en commun une dépendance, une aliénation à l’alcool, quotidienne ou épisodique, un mal de vivre qui se caractérise par l’angoisse, la solitude, le déni et la culpabilité. Pour chacun le parcours est de plus en plus cruel; comme le disait le Docteur Roth : « L’alcool est comme un usurier : au départ il rend beaucoup de service, pour après le faire payer très cher ».

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Mon expérience à l’hôpital de Saint-Cloud comme médecin alcoologue, me place chaque jour en face de cette problématique : comment aider le patient à sortir de son enfermement et l’aider à accepter « d’être malade alcoolique ». Pour cela, j’ai vite pris conscience que la relation médecin-malade n’était pas suffisante. L’impact positif de l’expérience d’un autre malade alcoolique rétabli auprès de celui qui est encore dans l’alcool se démontre par un changement qui peut être parfois immédiat: le patient parvient à s’identifier à celui qui s’en est sorti et ne refuse plus l’aide qui lui est proposée. C’est pour cette raison que j’ai toujours trouvé efficace de proposer aux patients de fréquenter les groupes néphalistes, sans oublier qu’il est toujours très difficile pour un patient d’aller à sa première réunion : peur de l’inconnu, de se reconnaître et d’être reconnu comme alcoolique…

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Pour ma part, je me souviendrai toujours de la « première réunion Alcooliques Anonymes » à laquelle j’ai assistée. Un de mes patients fêtait son premier anniversaire de sobriété et a fortement insisté pour que j’y participe. Ma première réaction a été de refuser par crainte d’être indiscrète ou maladroite, je craignais de ne pas être à ma place. Je me trompais car non seulement j’ai été très bien accueillie mais j’ai pu aussi ressentir et découvrir la force émotionnelle qui se dégage d’une réunion. Par la suite, j’étais mieux à même d’expliquer à mes patients l’aide qu’ils pourraient y trouver. Ce que mes échanges avec des membres Alcooliques Anonymes m’avait laissé deviner est devenu une réalité très forte qui m’a poussée à m’intéresser à ce mouvement « hors convention », qui m’est apparu être un outil thérapeutique approprié autour du sevrage et dans la poursuite de l’abstinence.

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Le mouvement des Alcooliques Anonymes est né en 1935, à Akron aux États-Unis, de la rencontre de deux alcooliques, Bill, agent de change et Bob, médecin. Ces deux hommes ont réalisé l’aide qu’ils s’apportaient en échangeant leurs idées sur l’expérience avec l’alcool. Ils prirent conscience ensuite que leur obsession de boire avait disparu. De là leurs est venue l’idée de rencontrer d’autres alcooliques. Cette démarche a abouti à la formation de la plus grande association d’entraide mondiale qui compte environ 2 millions de membres qui se répartissent dans 135 pays et environ 100000 groupes.

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Ce qui différencie le mouvement des Alcooliques Anonymes des autres mouvements néphalistes est qu’il est basé sur un programme spirituel. Ce programme de rétablissement personnel est composé de douze étapes qui peuvent être réduites à leur plus simple expression de la manière suivante : l’aveu de l’alcoolisme, l’analyse et la libération de la personnalité, le réajustement des relations avec les autres, l’abandon à une certaine puissance supérieure, le secours porté à d’autres alcooliques. Telle était l’analyse de Bill, l’un des fondateurs.

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A ces étapes, se rajoutent douze traditions qui donnent la base du fonctionnement d’Alcooliques Anonymes : l’unité au sein du mouvement, l’autonomie financière et le non-rattachement à toute autre formation, politique ou religieuse, l’anonymat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, notamment vis à vis des médias, l’aide aux alcooliques, encore dans la souffrance. Ces principes évitent la prise de pouvoir, l’emprise de l’argent et le prestige que certains seraient tentés d’acquérir.

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Le paradoxe de ce mouvement est d’avoir une structure très solide sans avoir d’organisation figée. Cette structure est établie par les concepts qui assurent notamment une rotation obligatoire et relativement rapide, d’une à quelques années, à chaque niveau de responsabilité, ainsi qu’une délégation des pouvoirs basée sur la confiance. Toutes les grandes décisions sont prises par la Conférence annuelle qui réunit les délégués de chaque région de France, eux-mêmes élus par des représentants de chaque groupe et le Conseil d’Administration, lui-même élu par les délégués.

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Il ne peut y avoir de prise de pouvoir puisque chacun, à partir du moment où il arrive aux Alcooliques Anonymes, est responsable de la vie de l’association et a le droit de demander toutes les explications qu’il désire. Il s’agit d’un mouvement démocratique qui cherche avant toute chose à aider chaque membre Alcoolique Anonyme à demeurer abstinent et à aider les autres à le devenir.

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Je voudrais insister sur le fait que l’aide apportée par les Alcooliques Anonymes est différente, mais complémentaire, de celle donnée par le corps médical. J’ai reçu en consultation en 1995, un patient qui fréquentait les Alcooliques Anonymes depuis environ un an, il venait de se réalcooliser. Il était alors incapable de prononcer une phrase tellement il était enfermé dans la peur et la culpabilité. Les mauvais traitements subis pendant l’enfance l’avait traumatisé au point qu’il avait perdu toute confiance, ce qui l’empêchait d’exprimer et d’expliquer cette souffrance.

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Le fait de fréquenter très souvent les Alcooliques Anonymes lui a permis d’écouter les autres exprimer leur souffrance et lui a appris que toute blessure pouvait être soignée par des mots, que tout secret pouvait être dit. C’est ainsi qu’après plusieurs consultations silencieuses, il accepta de répondre à quelques questions par écrit. Quelques mois après, il acceptait de voir un collègue psychiatre, en utilisant toujours l’écriture. Le travail de ce psychiatre, le mien, associés aux partages des Alcooliques Anonymes lui ont permis de se retrouver et de reconstruire une vie satisfaisante. L’expérience de cette transformation, parmi d’autres, relate une histoire d’un malade alcoolique qui accepte de demander de l’aide, de la prendre et trouver ainsi la force de vivre sa vie.

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Texte cité par Freud : « un enfant de 3 ans dit à sa tante :

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- Tante, dis-moi quelque chose, j’ai peur, parce qu’il fait noir.

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- A quoi cela te servira-t-il, puisque tu ne peux pas me voir ?

- Ça ne fait rien, du moment que quelqu’un parle, il fait clair ».

Je veux terminer par l’une de mes très belles expériences avec les Alcooliques Anonymes qui a été mon voyage dans 4 pays d’Afrique où quelques personnes avaient demandé de l’aide aux Alcooliques Anonymes de France (Burkina Faso, Bénin, Togo et Tchad). En quelques jours, des groupes se sont créés avec un enthousiasme et une adhésion rapide à ce programme spirituel. Dans ces pays, où les moyens financiers quasi inexistants ne permettent pas à la population de bénéficier des soins, le mouvement des Alcooliques Anonymes apporte une réponse à leur immense problème d’alcool.

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Alcoolisme : La vie en codépendance

Publié le par kreizker

13 AOUT 2014

Emission "CQFD" - RADIO TELEVISION SUISSE 1

Alcool, drogue, médicaments, jeu ou achats, des centaines de milliers de personnes souffrent de dépendance en Suisse. Ce sont autant de conjoints, de parents et d'enfants qui sont également touchés et qui finissent souvent par devenir codépendants.

Le point sur cette notion de "codépendance" avec Daniela Danis, psychologue et auteur d'un livre sur ce phénomène.

 

danis daniela

Edition du Tricorne, Genève

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Une expérience à la Bill W.?

Publié le par kreizker

libera me

 

L'ALCOOL

L’alcool a tué autour de moi trop de gens que j’aimais pour que je taise ici toute la haine que j’éprouve à son égard. Drogue facile, vulgaire, lente, peu coûteuse, elle fait partie de nos moeurs si ce n’est de nos traditions et c’est en cela qu’elle est satanique. Il faudrait n’en jamais boire pour ne jamais en avoir envie car le premier verre en appelle un deuxième, la bouteille commencée ne demande qu’à être finie et il y en a plein d’autres dans la cave et chez les marchands de vins. On résiste facilement au premier verre, parce que l’on est conscient, au suivant, c’est plus difficile et toujours plus difficile le lendemain que la veille, alors on se laisse emporter comme le bouchon par la rivière, dont on croit qu’elle est enchantée. J’ai trop bu, trop longtemps, et j’ai vu trop d’alcooliques autour de moi s’enfoncer jour après jour dans la dépendance, y déchoir, s’y déshonorer, pour ne pas hurler contre cet ennemi auquel je vois tant de jeunes succomber dans l’allégresse, comme si c’était un plaisir convenable, salvateur.

Le 14 novembre 1974, il y aura bientôt quarante ans, la tête lourde, j’ai décidé d’arrêter tout, alcool et tabac. J’ai coulé un bain froid et je m’y suis glissé dans la délectation, j’ai demandé à Dieu de m’aider, je me suis regardé dans la glace, j’étais un autre homme, un ressuscité, c’est le plus beau jour de ma vie.

 


in "Le mouvement des Alcooliques Anonymes devient adulte" & "Le point de vue de Bill" (page 2 : "Entre les mains de Dieu")

 

Ma dépression s’aggravait, devenait insupportable. Il me semblait que j’étais au fond du gouffre. Les derniers vestiges de mon obstination orgueilleuse étaient anéantis. Tout à coup je me suis surpris à crier : « S’il y a un Dieu, qu’il se manifeste, je suis prêt à tout, à n’importe quoi ! »

Tout à coup, la chambre s’éclaira d’une grande lumière blanche. Il me sembla, en imagination, que j’étais sur une montagne où soufflait un vent, non pas d’air mais d’esprit. Et soudain, la vérité m’apparut : j’étais un homme libre.

Peu à peu mon extase s’apaisa. Pendant un certain temps, couché sur mon lit, je me trouvai dans un autre monde, en moi, je ressentais le merveilleux sentiment d’une Présence, et je pensais : « Le voici donc, le Dieu des prédicateurs ! »

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