Le Dr Gueibe, alcoologue : « Ces groupes sont mes thérapeutes »
in "L'Avenir", 16 août 2013
Raymond Gueibe, psychiatre et alcoologue à la clinique Saint-Pierre, à Ottignies, travaille depuis de nombreuses années avec les groupes de soutien aux alcooliques.
« J’ai commencé par inviter Al-Anon, le groupe de soutien aux proches car la famille qui est très affectée par l’alcoolisme d’un de ses membres est souvent oubliée par le corps médical. Depuis, les AA et un second groupe de soutien, Vie Libre, se réunissent chaque semaine à la clinique. Chaque jeudi, les trois groupes s’associent pour proposer une réunion d’information. Cette réunion symbolise l’intérêt que notre institution porte à ces groupes d’entraide. Je les considère un peu comme des cothérapeutes. »
La contribution de ces groupes d’entraide au processus de «guérison» est réelle. « Parmi les personnes qui consultent un alcoologue, qui ont subi un sevrage et qui souhaitent vraiment sortir de l’alcoolisme, seulement 15 % atteignent le cap de l’abstinence. 85 % des personnes qui ont demandé à se faire aider rechutent dans l’alcool. Parmi les 15 % des gens qui réussissent à se passer d’alcool, de 90 à 95 % fréquentent les AA ou Vie Libre.»
Une parole vraie et authentique
Ces groupes qui officient dans la discrétion sont encore victimes d’une mauvaise image : « La plupart de mes patients pensent qu’ils sont uniquement fréquentés par des SFD. L’idée que l’alcoolisme sévit dans tous les milieux sociaux, qu’on peut y croiser son voisin ou son patron n’a pas encore fait son chemin. Ces groupes gagneraient sans doute à se montrer moins discrets . L’alcoolisme est encore trop souvent considéré comme une maladie honteuse.»
L’alcoologue souligne l’importance des notions de partage, de vécu et de soutien. «Si vous êtes tenté de rechuter à 4hdu matin, vous trouverez toujours un alcoolique anonyme pour vous soutenir même au milieu de la nuit. En tant qu’alcoologue, je peux leur parler des dangers, du moment où ils seront tentés de replonger… mais je n’ai qu’une vision théorique de l’alcoolisme à leur proposer. C’est pourquoi, j’invite mes patients à rencontrer des gens qui ont vécu l’alcoolisme, qui parlent avec authenticité des endroits où ils planquaient leurs bouteilles, qui partagent des trucs et ficelles qui viennent en complément du traitement comme planifier son abstinence sur 24 heures, ne jamais se laisser avoir soif en buvant beaucoup d’eau… C’est un système très encadrant.»
Les groupes de soutien aux personnes alcooliques ne sont pas près de mettre la clé sous le paillasson . En Belgique, 550 000 personnes ont une relation de dépendance à l’alcool et autant se préparent à devenir alcoolique. Un homme est considéré comme alcoolique s’il boit tous les jours depuis au moins dix ans. Pour la femme, la période est ramenée à cinq ans.