"À Charleville, une nuit avec les Alcooliques Anonymes"
in "L'Union-L'Ardennais" (France), 20 mars 2018
Chez elle, dans les environs de Charleville, Myriam assure entre deux et trois permanences de nuit par an. « Ça me permet de me rappeler d’où je viens ».
Cette semaine, la permanence de nuit de l’association est notamment assurée par des Ardennais. Lundi, c’est Myriam qui répondait aux appels venus de la France entière.
Une infusion, une cuillerée de miel « pour les cordes vocales », et c’est parti ! Durant 12 heures, Myriam va assurer, seule, la permanence téléphonique des Alcooliques Anonymes (AA).
« Je peux recevoir des appels de toute la France y compris des départements d’Outre-Mer », indique-t-elle, au moment d’entamer sa 28e permanence nocturne depuis 2007. Une mission « qui donne un sens à ma vie », confie l’Ardennaise, abstinente depuis maintenant 13 ans.
«Je suis bien à la mairie de Blois ?»
Il est 21 h 15, le téléphone fixe sonne pour la première fois de la nuit. Un homme est au bout du fil. Il respire fort, mais raccroche avant d’avoir prononcé le moindre mot. « Sans doute quelqu’un qui a peur, qui appréhende… Il est probable qu’il rappelle plus tard. » Vers 22 heures, enfin un « vrai » appel. Un homme originaire d’Orléans souhaite connaître les horaires des réunions AA dans sa région. Myriam l’aiguille. L’homme a l’air déterminé, il souhaite vaincre son alcoolisme.
Dans la foulée, le téléphone sonne à nouveau. Une dame demande à plusieurs reprises : « Bonjour, je suis bien à la mairie de Blois ? » Sans doute une farceuse imbibée… Des appels que redoute fortement la septuagénaire. « Ce sont des gens alcoolisés qui n’ont pas forcément besoin d’aide. Ils ne sont pas forcément alcooliques. Pour couper court à la conversation, je leur dis qu’ils bloquent la ligne pour des gens qui en ont vraiment besoin. »
22 h 20 : un autre appel lunaire, signé Patrick. Originaire de Versailles, l’homme, vraisemblablement sous l’emprise de l’alcool, s’inquiète de ne pas avoir vu « Valérie » dans sa réunion AA du jour. « Elle avait dit qu’elle reviendrait, et elle n’est pas revenue », lâche-t-il, désœuvré. Myriam, elle, est désarmée. « Je crois qu’il est amoureux, c’est tout », commente-t-elle après avoir raccroché. Après quelques appels farfelus, la suite sera plus sérieuse.
Notamment à 00 h 10. Un habitant de Béthune, qui a « assez détruit de choses comme ça » avec l’alcool, souhaite savoir où et quand se déroulent les réunions autour de chez lui. Malgré sa motivation, sa détermination, pousser la porte des Alcooliques Anonymes n’est pas chose aisée. Alors Myriam lui propose de passer par la « 12e étape ». Elle explique : « Donnez-moi votre prénom, votre numéro de téléphone, et demain un membre des AA de votre secteur vous appellera pour vous accompagner en réunion. » Mathieu accepte. « Voilà des appels comme je les aime », débriefe-t-elle.
De 21 heures à 9 heures du matin, l’Ardennaise a répondu à dix appels. C’est moins que d’habitude. Mais la nuit a été riche en émotions, notamment vers 2 heures du matin… Au bout du fil, un homme, ivre, peine à articuler. Il ne souhaite pas entendre parler des réunions des Alcooliques Anonymes. D’un ton agressif, il dénigre l’association et commence à lire un passage de la Bible satanique. L’homme reproche aux AA d’être une secte. « Il y a bien un aspect spirituel, reconnaît Myriam.Mais absolument rien de religieux. » Malgré ce passage délicat, la nuit fut, une fois de plus, enrichissante pour l’Ardennaise comme pour ses interlocuteurs, souvent « au bout du rouleau ».