Addictions : « Et maintenant ? Comment tenir ? Que faire pour rester abstinente ? »

Publié le par kreizker

in "MOUAIS - LE JOURNAL DUBITATIF" (France), 26 Février 2025

« Je m’appelle M@my et je suis alcoolique, addicte, dépendante. Je me démène comme je peux pour rester clean, jour après jour, 24 heures à la fois ». La dépendance touche toutes les catégories socio-professionnelles. Tous les âges. Une fille, un frère. Des parents. Qu’est qu’on fait alors ? On s’énerve, on ferme les yeux, on coupe les liens, ou… on cherche une autre façon de faire. Témoignage.

Je vous propose ici de découvrir mon regard sur la dépendance, ce qui marche pour moi, ce qui je pense, pourrait marcher pour un plus grand nombre. Et en parler pour moi… ça marche.

Je m’appelle M@my et je suis alcoolique, addicte, dépendante. Je me démène comme je peux pour rester clean, jour après jour, 24 heures à la fois. Et comme la vie de manière générale, parfois, ça vrille.

Addictions : « Et maintenant ? Comment tenir ? Que faire pour rester abstinente ? »

Je suis née bourrée. Famille dysfonctionnelle mais vite prise en charge. J’ai eu autant de chance que je n’ai su créer ma propre malchance sur mon chemin. J’ai un bac +2, sans malheureusement avoir jamais trop bossée en cours. Si j’avais su. Je suis plus qu’adulte, presque un peu vieille, aux premiers jours de l’automne de ma vie j’espère. TDAH diagnostiqué récemment. Ça m’aurait peut-être aidé de le savoir plus tôt. Ah oui, je suis borderline… J’ai du mal à gérer mes émotions mais j’ai bien avancé là-dessus. Je présente bien. J’ai toujours su arrondir les angles. Je suis vivante alors que j’ai bu plus que de raison, que j’ai beaucoup fait la fête, que je me suis parfois persuadé que gagner un gros lot changerait toute ma vie, que j’ai énormément kiffé et usé de la poudre et des pétards. Mais maintenant, je ne peux plus me permettre d’avoir d’illusion à ces sujets.

En 2013, j’en ai marre d’en avoir marre, je ne parviens pas seule à arrêter de boire. Tous les jours je me dis « demain je ne boirai pas ». Et tous les matins avant d’aller bosser, il me faut un petit truc avec le café sinon je tremble. Le midi je déjeune dans une brasserie, comme toujours je suis bien vue alors le cocktail du patron est offert. Un quart de vin avec le plat du jour, et un digestif avec le café. Sur le chemin du retour du boulot je bois quelques demis, m’achète deux bouteilles de vins blancs, une bouteille de Téquila ou de Jack Daniels s’il n’y en a plus. Une fois chez moi, je grignote autour du vin, je fume mon pétard, je m’assomme avec un dernier verre d’alcool dur pour celui-ci. Je tombe et le matin je me relève. Et ça recommence. Je sais, c’est « dark ». Mais c’est mon chemin. Et malheureusement, il peut vite devenir celui de n’importe qui. A cette époque, je gagne très bien ma vie, ça ne se voit pas que je bois, parfois j’ai la mine fatiguée mais j’arrive toujours à me rebooster.

Bref je décide d’essayer des trucs, je me renseigne sur les addictions. En même temps je regarde des séries, surtout US à l’époque, et un des personnages un peu border que je kiff essaye d’arrêter en allant aux Narcotiques Anonymes (NA). Bon, je regarde sur internet et je trouve des réunions Alcooliques Anonymes (AA). Mouais, peut-être que… Fin septembre 2014, je pousse la porte de ma première réunion des AA, un lundi soir après le travail. Et vraiment, je suis certaine que si j’ai la chance d’être devant ce clavier aujourd’hui, et bien vivante, c’est grâce à ça. Parce que depuis malheureusement, j’ai connu plusieurs personnes qui n’ont pas réussies à se relever, qui ont sombré dans la rue, dans l’isolement, dans la dépression et pour certaines sont mêmes décédées. Rip : Gaby, Soizig, Pierre, Philippe.

Grâce à ce choix, cet acte de pré-survie, j’ai appris que je suis atteinte de la maladie de la dépendance. Je suis atteinte de la maladie de l’alcoolisme. Je ne suis pas responsable de ma maladie mais je suis responsable de mon rétablissement.

Les Alcooliques Anonymes sont une organisation d’entraide pour les personnes qui souhaitent arrêter de boire. Les réunions des AA sont largement disponibles avec environ 87 000 groupes AA dans le monde. AA est un programme de vie qui met l’accent sur l’abstinence d’alcool, la croissance personnelle et spirituelle et la confiance en une puissance supérieure. Tout repose sur un programme en douze étapes et un bon nombre d’outils comme la prière de la sérénité que l’on attribue à Marc Aurèle. On la fait lors de chaque réunion AA et NA en début et fin de séance. C’est une prière d’action et de lâcher prise.

« Mon Dieu, Donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer celle que je peux et la sagesse d’en connaître la différence. »

Il y a aussi le parrain ou la marraine. En anglais « sponsor ». C’est une personne de confiance, à qui tu confies tes difficultés. Tu peux par exemple lui faire des appels sandwich. Ma daronne fête son anniversaire, je ne me sens pas d’y aller, de me sentir jugé, d’entendre une phrase qui me fera péter un câble, qui m’amènera à exploser ce qui évidemment gâchera l’anniversaire. Je ne veux pas y aller et je dois lui dire. J’appelle mon sponsor avant d’appeler ma mère, on fait le point sur comment je vais présenter les choses, sur le fait que d’une manière générale c’est ok que je n’y aille pas, le jour suivant se lèvera quand même. J’appelle ma mère, on se frite un peu au téléphone, ça m’énerve. Elle a raison je gâche toujours tout. Purée je boirais bien un petit verre pour me calmer. J’appelle mon sponsor. Je verbalise l’échange avec ma mère. Et en fait elle a raison. C’est fait. Ça ne dépend plus de moi. Et ça aurait était pire si j’y étais allée. Ah… tiens mais dis donc, l’envie du verre a disparue.

Au moment où j’écris ces lignes, cela fait 92 jours que je n‘ai pas consommé. Ce n’est pas la première fois que j’arrête. Et maintenant ? Comment tenir ? Qu’est-ce que je dois faire pour rester abstinente ?

Il est évident que je dois rester en lien avec des personnes du programme qui se rétablissent et mon sponsor. Je dois fuir comme la peste mon autosuffisance, mes idées et lubies scabreuses. Il m’est nécessaire de mettre en pratique le programme, l’humilité, le service, la foi et plus que tout l’Action dans tous les domaines de ma vie. J’ai besoin de me souvenir tous les jours que je dois tout faire pour ne pas aller chercher la première goutte du premier verre, la première « taf » du premier joint, le premier grattage du premier jeu, la première ligne de la première poudre, la première conso quoi ! Je dois aller en réunion, mettre les principes au-dessus des personnalités car j’ai tendance à m’insatisfaire de l’autre et à me raconter des histoires de supposés ressentiments. Continuer à avoir de l’espoir, à méditer, à nourrir ma puissance supérieure car c’est un de mes meilleurs traitements, c’est mon meilleur cacheton.

Je dois me rappeler sans avoir tendance à en faire une sinécure, que je fais de mon mieux, que tant que je pose des actes pour me rétablir, je suis sur la bonne voie. Que l’alcool est une drogue et que pour me rétablir je dois m’abstenir de toute drogue.

Je pourrais dresser des listes de gratitude, ce qui est fortement recommandé en période de difficultés ou de début de clean, mais je pense déjà les faire en remerciant chaque jour l’univers pour ce que j’ai et là où je suis, où j’en suis.

Je dois, chaque jour, 24 heures par 24 heures, me souvenir que je suis dépendante et que je me rétablis en agissant. Je dois lâcher prise sur ce qui ne dépend pas de moi, accueillir les événements et ne pas y voir un succès ou une défaite personnelle. La vie est faite d’interactions, je peux juste faire que celles qui me concernent soient des plus justes, douces et bienveillantes.

Entretenir mon cadre de vie en y incorporant et en y nourrissant la meilleure version de moi. Celle dont je suis fière, celle qui résonne à mon enfant intérieur, qui peut s’avérer être une excellente challengeuse. Et cette version ne consomme pas.

Par M@my

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