"Elle a stoppé l'alcool et la fuite en avant"
in "Ouest-France", 12 mai 2017
Évelyne, 61 ans, a retrouvé goût à la vie avec l'aide des Alcooliques Anonymes. Abstinente depuis 13 ans, elle a fait un travail sur elle-même pour s'accepter et accepter les autres tels qu'ils sont.
Désormais abstinente, l'ancienne conjointe d'artisan pâtissier est sortie de sa spirale destructrice avec l'aide des Alcooliques Anonymes. Heureuse de vivre l'instant présent, Évelyne (1) témoigne.
Témoignage
J'ai tout quitté : mari, pâtisserie chocolaterie, confort matériel... et j'ai rejoint la Bretagne (je vivais en Normandie depuis ma naissance il y a 61 ans) pour tourner totalement la page, voici bientôt 13 ans. En 9 mois, avec l'aide des Alcooliques Anonymes (AA) rencontrés lors d'une cure, je suis devenue abstinente.
J'ai commencé à m'alcooliser à l'âge de 39 ans. Mon mari que j'ai épousé à 19 ans, pour faire plaisir à mes parents, était violent.
Lorsqu'il m'a trompée avec ma meilleure amie, c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. J'ai commencé à boire des liqueurs de cassis, de fraise des bois et je suis passée au whisky. Avec ça, je pouvais dormir : ça me servait d'anxiolytique. La descente aux enfers a duré 5 ans.
Je ne parlais à personne de mes problèmes. Je suis une enfant qui n'a pas été désirée. Je l'ai appris à l'âge de 3 ans, par l'entrebâillement d'une porte, et ça m'a fortement marqué. J'ai grandi pour être aimée de mes parents, ne jamais les décevoir. À 9 ans, j'ai subi des abus sexuels (viol). Je ne suis parvenue que l'an dernier à en parler dans ma famille.
Les AA rencontrés lors d'une cure
J'étais excessive en tout. Jeune, je faisais tellement de sport (entraînement de basket quotidien) que mes parents pensaient que je serais prof de gym. C'était, je pense, un refuge. Mes blocages en lecture à l'école m'ont pourri la vie. J'inventais n'importe quel prétexte pour ne pas avoir à lire en public. J'ai raté beaucoup de choses à cause de ça. Pour ne pas avoir à passer le bac et ne pas décevoir mes parents, je me suis débrouillée à trouver un emploi à la sécurité sociale. Mais je n'étais pas faite pour le bureau.
À la pâtisserie, je travaillais énormément. Ayant fait plusieurs tentatives de suicide, j'ai commencé à être soignée pour dépression. Lors de la dernière tentative, on m'a dit que j'avais un problème avec l'alcool. Après une première cure de désintoxication, à 45 ans, je croyais avoir tout compris. Mais j'ai rechuté. J'ai alors vraiment pris conscience de ma maladie.
Lors d'une réunion de malades, au centre de cure, les Alcooliques Anonymes (AA) sont passés présenter l'association et son fonctionnement. Tout de suite attirée, j'ai adhéré à un groupe de Caen.
« Ni paillasson, ni hérisson ! »
J'ai compris que je n'aimais pas mon mari et qu'il fallait que j'échappe aux violences conjugales. Si je restais, j'allais mourir. En octobre 2003, je suis partie, avec mon sac de sport, emportant seulement un jean, un slip et un soutien-gorge ! Je laissais une maison confortable de 300 m2 pour me retrouver dans un logement de 27 m2. Mais j'étais bien. J'ai pu profiter de ma liberté pour participer à des réunions AA, deux à trois fois par semaine et arrêter totalement l'alcool.
La Bretagne, c'était une envie d'enfance d'y habiter. J'avais passé des vacances à Carnac avec parents et grands-parents. J'aime la pêche, la mer, la voile... J'ai une qualité de vie que je n'aurais jamais imaginée. J'ai essayé de comprendre mon fonctionnement, mes déficiences mais aussi mes qualités. J'ai essayé de m'accepter, de m'aimer et d'aimer les autres tels qu'ils sont et non selon mes espérances, de réagir positivement aux événements, de devenir responsable au lieu de fuir. J'ai moins peur du futur. J'écoute beaucoup plus. Je suis heureuse de vivre alors que je n'avais qu'une envie : me détruire avec l'alcool. Ma fille me dit : tu n'es plus ni un paillasson, ni un hérisson ! »
(1) Prénom d'emprunt.