Dans la Var, Martha raconte son alcoolisme: "Ma dose pour mettre ma vie sur pause"

Publié le par kreizker

in "Nice-Matin" (France), 16 Janvier 2024

Relever le défi de "Janvier sans alcool", c’est l’occasion de mesurer sa consommation et, éventuellement, de se rendre compte que celle-ci est trop importante. Martha, Varoise de 45 ans, raconte comment elle a atteint l’alcoolisme. Et comment elle s’en est sortie.

Si elle préfère témoigner de façon anonyme, c’est parce que Martha sait bien ce que peut provoquer l’idée de l’alcoolisme: du dégoût. C’est ce qu’elle ressentait à son propre égard avant de se rétablir.

Si elle préfère témoigner de façon anonyme, c’est parce que Martha sait bien ce que peut provoquer l’idée de l’alcoolisme: du dégoût. C’est ce qu’elle ressentait à son propre égard avant de se rétablir.

Solaire. C’est ainsi qu’est Martha (1). Son sourire éclaire la pièce dans laquelle on la rencontre à Saint-Raphaël en plein cœur du Dry January, son humour illumine la conservation. Pourtant, cette petite femme de 45 ans, dissimule sa part d’ombre. Un côté obscur qu’elle a longtemps caché dans l’alcool. "Je voulais oublier ma vie", lâche-t-elle, d’un ton neutre.

Aujourd’hui, Martha va bien. La dernière fois qu’elle a bu, c’était le 20 août 2023. Depuis, elle fréquente chaque semaine l’antenne raphaëloise des Alcooliques Anonymes. C’est là qu’elle raconte au groupe qui l’a accueillie les bras ouverts, sans jugement le chemin tortueux qui l’a conduite jusqu’ici.

"J’avais une de ces soifs!"

Et il remonte loin. À l’été où Martha, tout juste majeure, perd son frère et son meilleur ami dans un accident de voiture. "J’ai toujours été une fêtarde, mais là je me suis mise à boire plus. J’avais une de ces soifs! Il n’y avait que ça qui passait, même pas de l’eau." La jeune fille d’alors s’enivre pour anesthésier son chagrin. C’est son premier contact sérieux avec l’alcool. Il dure trois mois.

Puis, pendant sept ans, Martha ne boit quasiment plus. Mais sa vie n’est pas rose. "J’ai fréquenté de mauvaises personnes…", résume-t-elle, pour dire les abus, les violences, les séquestrations que font lui font subir deux hommes successifs. À cette époque, pas question d’alcool.

 

À 25 ans, la jeune femme parvient à s’extirper de ces situations. Pour mettre de la distance avec sa mère et sa sœur, avec qui elle entretient aussi des relations difficiles, elle quitte la région. Quand elle revient en 2008, sa route croise de nouveau celle d’"une personne toxique""Il me harcelait, me suivait…" Pour parvenir à dormir, Martha recommence à boire. Mais là encore, elle arrête une fois la situation revenue à la normale. "Quand j’ai arrêté, ça allait", explique-t-elle.

Basculement

C’est en novembre 2015 que la véritable descente aux enfers de l’alcool démarre pour Martha. Au moment où sa sœur décède d’une embolie pulmonaire. "Elle-même buvait, explique la quadra, je pensais que ce serait ça qui l’emporterait." Elle se remet alors, elle, à boire sérieusement, "comme en hommage à [sa] sœur". D’abord avec des amis, puis seule. "Ma consommation n’a jamais été quotidienne, précise-t-elle. C’était des cuites. Je sentais qu’il me fallait ma dose. Pour mettre ma vie sur pause."

Au fil du temps, le délai entre chaque cuite se réduit. À partir de 2022, Martha boit trois litres de vin par semaine, en deux fois. "Je me suis dégoûtée comme un alcoolique vous dégoûte." Mais ce sont les conséquences sur son travail dans la grande distribution qui ont le plus d’impact sur sa dignité. "Personne ne m’a fait de remarque, mais à l’époque, j’avais une gastro tous les mois, j’étais souvent absente. Et puis, je me suis mise à faire des erreurs bêtes et ça, ce n’était pas moi: je suis une vraie pro et mon travail, je le fais bien", lance-t-elle, comme encore vexée.

Au printemps dernier, elle décide de prendre le chemin de l’abstinence, commence une diète, reprend le sport. Et s’enivre moins souvent. Elle a toutefois bu le soir où elle contacte les Alcooliques Anonymes par téléphone. "Je suis tombée sur des personnes d’une bienveillance incroyable, je me suis sentie comprise, c’était comme une caresse sur mon cœur." On lui donne le contact de celle qui sera sa marraine.

Fierté anonyme

Aujourd’hui, Martha se sent "incroyablement bien""J’ai perdu quarante kilos, j’ai une clarté d’esprit, mon cerveau percute et je n’oublie plus rien. J’ai fait la paix avec ma maman. Elle est fière de moi." Fière, elle l’est aussi d’elle-même. Fière est encore la chandelle qu’elle estime devoir aux Alcooliques Anonymes"Je ne m’en serais pas sortie sans eux." Elle explique: "C’est important d’entendre certaines choses, de se rendre compte que cette maladie touche tout le monde."

 

Martha sait aussi que la rechute est possible. Elle la craint. Notamment si un nouveau drame devait survenir dans sa vie. Alors elle s’accroche aux Alcooliques Anonymes"Comme une moule à son rocher", rit-elle, prenant un accent d’ici à couper au couteau. Et de brandir son téléphone et l’application qui lui permet de compter ses jours de sobriété. En ce jeudi de janvier, Martha claironne qu’elle n’a pas bu depuis quatre mois, vingt-deux jours et cinq heures.

1. À sa demande, son prénom a été modifié.

Savoir +

Pour trouver la réunion des Alcooliques Anonymes, contactez le numéro cristal (non surtaxé) 09.69.39.40.20.

Publié dans AA france

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