"Des jours meilleurs", un film sur l’alcool au féminin, un tabou qui demeure, en Bretagne, comme ailleurs
in "France 3 Bretagne", 23 avril 2025
Le film, "Des jours meilleurs" raconte le combat d’un petit groupe de femmes contre l’alcool. Le film d'Elsa Bennett et Hippolyte Dard, sort en salle ce 23 avril 2025. Un long métrage qui tente de briser le silence sur la question. L’alcool au féminin est encore souvent caché, solitaire et donc plus difficile à soigner. Soizic a posé son verre il y a 10 ans. Elle témoigne.
"Les autres me disaient : "quand même, fais attention", et moi, je répondais : "je gère, je gère, comme disent beaucoup d’alcooliques" et en fait, je ne gérai rien du tout !", commence Soizic. C’est le prénom qu’elle a choisi pour raconter son histoire.
"Je dis souvent que je suis tombée dans la marmite en 1995, continue-t-elle. Mais j’ai toujours aimé l’alcool et je buvais plus que les autres." Cette année-là, elle subit du harcèlement au travail. Elle puise le courage de tenir dans la bouteille. "Je picolais pendant le travail. Et puis, après le travail !"
L'aide des Alcooliques Anonymes
Soizic décrit très bien l’engrenage qui l’a fait sombrer. "Je me suis crue forte pour dire, je m’arrête quand je veux et en fait, non, je ne pouvais pas m’arrêter !"
On ne va pas en cure pour se faire soigner, on va en cure pour se soigner. Ça doit venir de nous !
Soizic, membre des Alcooliques Anonymes
Elle demande alors de l’aide et suit des cures, une vingtaine en tout. "J’allais en cure pour qu’on me soigne, explique-t-elle. Et en fait, on ne va pas en cure pour se faire soigner, on va en cure pour se soigner. Ça doit venir de nous ! Si ça ne vient pas de nous, si on attend tout des autres, ça ne marche pas !"
En 2015, elle a poussé la porte des Alcooliques Anonymes et réussit enfin à poser le verre. Mais 10 ans plus tard, elle continue d’aller aux réunions et même en anime. Comme une autre soif, celle d’être entourée, écoutée, comprise !
Des choses encore difficiles à dire
Car "un trouble de l’usage de l’alcool chez la femme, ça reste difficile à dire", affirme Caroline Le Lan, addictologue au CHU de Pontchaillou de Rennes. "Il est souvent caché, nié. Les femmes n’en parlent pas ", constate la médecin.
Les modes de consommation sont différents d’un sexe à l’autre. Un homme qui va boire une bière dans un bar, tout le monde trouve cela normal. Les femmes, elles boivent davantage chez elles, toutes seules. "C’est souvent une consommation cachée, solitaire, culpabilisée, pas du tout une consommation mondaine", décrit Caroline Le Lan.
Les femmes boivent fréquemment pour calmer leur anxiété, se sentir mieux. Nombre de celles qui se réfugient dans l’alcool ont parfois vécu des histoires difficiles, des violences dans l’enfance, des agressions, des relations compliquées avec leur conjoint, constatent et Soizic et la praticienne.
Toutes deux espèrent que le film aidera les femmes à briser le tabou. "Car à consommation égale, les risques sont accrus pour les femmes et les conséquences plus graves. La cirrhose, par exemple, mettra 15 ou 20 ans pour évoluer chez un homme. Chez une femme, ça peut être beaucoup plus rapide", avertit Caroline Le Lan.
Alors comme le personnage du film Des jours meilleurs, elles invitent les femmes à se battre et à crier très fort, "Bourbon, tête de con !"