Les attestations pour les personnes sous main de justice
in "Journal des Services Généraux" (France), n° 145, 1° trimestre 2017
La loi de la réforme pénale applicable depuis octobre
2014 et mettant en place la contrainte pénale et la
libération sous contrainte commence à avoir quelques
impacts dans les groupes AA français.
Pour rappel, l’objectif de la réforme est de punir plus
efficacement en adaptant la peine à chaque délinquant,
afin de prévenir la récidive. Les peines de probation dont
s’inspire la contrainte pénale existent depuis plus de
vingt ans dans des pays comme le Canada, la Suède ou
le Royaume Uni. Ce sont des peines exécutées en milieu
ouvert, assorties de mesures de suivi et de contrôles
susceptibles de permettre à la personne condamnée de
modifier le comportement à l’origine du délit.
Le comité a été interpellé plusieurs fois sur la
délivrance d’attestations pour des détenus soumis
à ces aménagements de peine. Signer en son nom
propre un papier quand on fait partie d’un programme
anonyme peut paraitre étrange, voire déroutant pour
certains membres des groupes. N’oublions pas que
nous collaborons avec le système judiciaire depuis
longtemps : nous transmettons le message dans de
nombreux établissements pénitentiaires et de ce fait
nous sommes considérés comme une ressource pour
l’administration dans l’exécution des peines aménagées
car elles sont soumises à contrôles dont des attestations
de présence en cas de demande par le juge d’assister à
des réunions AA.
Notre but premier est de tendre la main à la personne
demandant de l’aide et qui est dans la souffrance
de l’alcool. Dans nos groupes, nous sommes déjà
sollicités par des personnes placées sous main de
justice participant aux réunions et nous demandant
des attestations de présence ou bien de signer un
document officiel émanant des autorités judiciaires
ou pénitentiaires. Sans remettre en cause tous les
fondamentaux de AA (traditions, concepts, anonymat,
affiliation) nous devons participer, dans la mesure de
nos possibilités, à aider ces personnes et coopérer avec
les autorités de justice. En signant une feuille, ni les
groupes, ni les membres ne sont liés d’aucune manière
à l’administration pénitentiaire. La position du comité
national justice et d’AA France n’a jamais varié : nous ne
délivrons pas d’attestations officielles AA. Cependant,
tout membre AA peut décider d’attester de la présence
de telle personne à telle réunion, c’est un choix
personnel et cela ne regarde pas le groupe. Mais, en
aucun cas, un membre ne peut engager le mouvement
dans son ensemble en fournissant une attestation
libellée au nom des Alcooliques anonymes.
C’est pourquoi le comité national ne fournit pas
d’attestation type : chacun est libre de la formuler
comme il l’entend, sur papier libre et sans tampon AA.
(Cf. rapport de la commission justice de la conférence
2012 et la ligne de conduite AA US « Collaboration
avec les tribunaux et les programmes de prévention »
disponible sur le site officiel espace pour les membres
rubrique justice, elle aussi très explicite à ce sujet).
Alors, les amis, essayons de rester simples et civiques :
pour nous, alcooliques qui aujourd’hui sommes debout
et responsables, rédiger, en son nom propre, une
attestation de présence à une réunion AA est, tout
simplement, un acte citoyen.
Reste un dernier constat qui peut déranger certains
amis. Ces personnes viennent en réunion par
obligation, juste pour avoir leur papier signé. Beaucoup
d’entre nous avons poussé la porte aussi par obligation
: familiale, sociale, personnelle… ou pour appendre
à boire normalement. Alors peu importe le pourquoi
ces personnes viennent en réunion, l’essentiel est le
pourquoi ils reviennent : pour eux-mêmes et apprendre
à changer leur vie comme nous l’avons fait.
Sylvie L, pour le comité justice