"Ploumagoar. Pour arrêter de boire, ils confient leurs déboires"
in "Ouest France", 7 mars 2017
Après les confidences, à l’issue de chaque rencontre, les membres des Alcooliques Anonymes se prennent par la main ; véritable symbole d’une entraide fraternelle
Ils ont posé le verre ou tentent de le faire… Mais tous savent qu’ils ont et auront encore besoin des réunions hebdomadaires des Alcooliques Anonymes, de Ploumagoar (Côtes-d'Armor), pour garder le cap de l’abstinence.
Vendredi, 19 h 30. Six hommes et deux femmes ont pris place autour de la table, dans la salle réservée aux AA, ou Alcooliques anonymes, au cœur de la communauté de Kerprat, à Ploumagoar (Côtes-d’Armor). Les regards des uns et des autres ne sont pas fuyants. Emprunts de bienveillance, ils se posent sur chaque membre prenant la parole.
Henry (1) est invité à faire la lecture des fondamentaux du mouvement. Une lecture qui donne le La de chaque réunion, qu’elle soit ouverte à tous (à raison d’un rendez-vous mensuel), ou fermée, c’est-à-dire réservée aux malades de l’alcool, tous les vendredis.
« La seule condition est d’avoir le désir d’arrêter de boire, rappelle-t-il. Les AA ne sont pas une association religieuse. » Pourtant, il mentionne bel et bien Dieu… Mais, précise illico que le Dieu des AA revêt « une conception propre à chacun ». C’est ainsi que chaque membre peut baptiser sa « bonne étoile », ou bien encore « sa force de vie ».
Autant de préceptes qui sont rappelés pour poser les bases du programme proposé par l’association. Avant d’axer la soirée sur la thématique : « Arrêter de boire pour soi. »
Un thème qui spontanément plaît à Jean, parce qu’il « ramène à l’essentiel. J’ai souvent rêvé d’arrêter de boire, parce que mon environnement familial était demandeur… » Mais, lui sait que s’il est parvenu à devenir abstinent, c’est parce que lui seul avait les clés.
« La chose la plus importante, c’est ce que je pense de moi. C’est avec moi que je vis le plus. Il ne s’agit pas d’égoïsme, tempère-t-il. Désormais, je m’occupe de moi raisonnablement et je m’occupe des autres qui sont importants pour moi. »
Henry, lui aussi, explique qu’il l’a fait pour lui. « L’alcoolisme, c’est la maladie de la solitude, souligne-t-il. Je suis vraiment content d’être sorti de cette spirale. » Avant de revendiquer : « Mon passé d’alcoolique, je m’en sers pour vivre au présent. »
Personne ne coupe la parole. Tous boivent les paroles de ceux qui retracent leurs années de souffrance, leur bonheur d’avoir posé le verre, avant d’être invités à s’exprimer. Ici, le respect de l’autre, de l’Ami, est incontestable.
Jean-Pierre (1), quant à lui, souligne qu’il lui aura fallu un « véritable coup de poing », à savoir 47 jours passés en prison, pour se décider à poser le verre. « Ici, j’ai été bien accueilli. Je n’ai pas été jugé, déroule-t-il. Je suis fier aujourd’hui, mais je sais que je ne l’ai pas fait tout seul. Je l’ai fait avec vous… »
(1) prénoms d’emprunt