"Au sein des Alcooliques Anonymes, cette Normande a pu se reconstruire"
in "Paris Normandie" (France), 23 Septembre 2021
Les Alcooliques Anonymes de Normandie se réunissent à partir de vendredi 24 septembre 2021 et jusqu’à dimanche à Houlgate (Calvados), pour leur convention annuelle. Abstinente depuis près de vingt ans, Avril participera activement à ce rassemblement. Auprès des AA, elle a trouvé des amis et la force nécessaire pour s’en sortir. Récit.
On l’appellera Avril : « C’est durant ce mois que j’ai arrêté l’alcool, il compte énormément pour moi. » En avril 2022, cette Rouennaise fêtera ses « 20 bougies, comme on dit aux AA », soit deux décennies d’abstinence. Grâce à sa volonté et la force de l'association, elle s’est offert « une autre vie ». La première avait sombré dans la boisson au fil du temps.
« Quand j’avais 18 ans, se souvient Avril, je buvais avec les amis. C’était festif, mais pas seulement. Je n’étais pas bien dans ma peau, et l’alcool m’aidait à me désinhiber. Je devenais très euphorique. »
Les années passant, la bouteille n’est plus synonyme de fête, mais devient un recours aux difficultés de l’existence. « C’était un réflexe, dès que je n’allais pas bien, je buvais. La bouteille m’apaisait, elle était ma copine… Elle est devenue ma béquille. J’avais besoin d’elle pour continuer à avancer. »
Avancer quand tout s’effiloche autour de soi. Mère de deux enfants, Avril divorce. Et côté professionnel – elle est cadre dans une entreprise –, les difficultés s’accumulent. La Rouennaise parle alors de véritable descente aux enfers : « J’étais dans une immense solitude psychologique, dans un processus d’autodestruction. La semaine, je faisais des réserves car j’avais peur de manquer le week-end. » Vin mais surtout whisky et, finalement, « tout ce que je trouvais pour me démolir ».
Malgré cette obsession, cette recherche frénétique d’alcool, Avril parvient à faire illusion.« Je changeais régulièrement de supermarché pour ne pas être reconnue par les caissières. Et comme la plupart des femmes, je buvais chez moi, jamais au bistrot. » Son entourage évalue mal son degré de dépendance jusqu’à ce jour d’avril 2002 où, à 45 ans, elle est transportée aux urgences. Elle vient d’ingurgiter un cocktail détonnant d’alcool et de médicaments.
« J’ai touché mon fond… C’est une formule que l’on utilise aux AA. » À l’hôpital, la patiente se traite de poivrote, de bonne à rien… « Non, lui rétorque une infirmière, vous êtes malade. » Cette forme d’empathie touche profondément Avril. « Ce fut comme un déclic, je n’ai plus jamais touché à un verre. »
La quadragénaire a pris une décision. Pour réussir, elle sait qu’elle a besoin d’aide, mais la démarche est difficile. Elle met trois mois avant de pousser la porte des AA. « C’était une question d’orgueil : vider son sac devant un groupe, cela me paraissait insurmontable. Mais seule face à la bouteille, on perd forcément. Alors j’y suis allée. »
Aux AA, elle trouve respect et écoute : « Les anciens buveurs partagent leur expérience et à travers eux, on trace notre route. Il faut se battre, établir un vrai programme d’action. » Le prix de la reconstruction. « J’ai dû réapprendre à vivre, à combler le temps passé avec et pour l’alcool. »
Aujourd’hui, la Rouennaise, assidue aux réunions hebdomadaires, a décidé de s’investir au sein de l’association. Elle animera notamment une présentation à la convention annuelle organisée ce week-end. Une façon de « redonner aux autres » ce qu’elle a reçu. Avril se sait « toujours fragile », et examine à la loupe la composition des pâtisseries, chocolats et sirop contre la toux. Mais ses enfants ont constaté qu’ils peuvent lui faire confiance. Et pour eux, assure-t-elle, « jamais je ne retomberai ».
Annulée l’an dernier en raison du Covid, la convention annuelle des Alcooliques Anonymes (AA) aura lieu ce week-end au centre sportif de Normandie, à Houlgate, dans le Calvados. Pour l’instant, 117 personnes sont inscrites, mais il est toujours possible de venir sans réservation. Le pass sanitaire est requis.
La convention débutera vendredi à 17 heures et s’achèvera dimanche vers 14 heures. Elle est ouverte à toute personne qui se sent concernée par un problème d’alcool. Les familles et les proches sont également conviés pour échanger avec des membres d’Alanon (Aide à l’entourage du malade alcoolique). Des représentants du milieu médical, judiciaire et associatif seront également présents.