"Dry January : la descente aux enfers et la renaissance de Didier, un Sarthois, ancien alcoolique"
in "Ici Maine" "France Bleu" (France), 13 Janvier 2025
Cela fait trois ans maintenant que Didier a arrêté de boire. Une résurrection pour cet ancien chef d'entreprise de la région de Sablé qui a vécu l'enfer. Il a réussi à s'en sortir grâce à sa volonté et l'aide des Alcooliques Anonymes de la Sarthe mais être abstinent reste un combat quotidien
Après les fêtes, l'heure est aux bonnes résolutions comme par exemple ne pas boire une goute d'alcool tout au long du mois de janvier. C'est ce qu'on appelle le Dry January, le mois de janvier sans alcool. Une opération importée du Royaume Uni sous forme de défi mais qui nous permet aussi de jauger notre dépendance à l'alcool. Pour Didier, l'abstinence est un combat quotidien. Cela fait presque trois ans que cet ancien chef d'entreprise de la région de Sablé n'a pas touché à une goutte d'alcool. Et pourtant il a vécu une véritable descente aux enfers avant de s'en sortir grâce à sa volonté, au soutien de sa famille et des Alcooliques Anonymes de la Sarthe. Il témoigne au micro d'ici Maine.
Ici Maine : Vous avez 51 ans. Vous faites partie de l'association des Alcooliques Anonymes de la Sarthe. On vous avait reçu il y a deux ans. A l'époque vous aviez arrêté de boire depuis un an. Comment ça va aujourd'hui ?
Didier : Merci de me recevoir. Je vais très bien depuis notre dernier entretien. J'arrive bientôt à trois ans d'abstinence et je me porte très bien.
Et pourtant l'alcool a fait partie de votre quotidien, pendant longtemps, avec des incidences à la fois sur votre vie familiale et professionnelle ?
Qui n'a pas d'incidence au cause de l'alcool ? Oui, effectivement, mon parcours ressemble à celui de beaucoup d'alcooliques. L'alcool est assez sournois, en fait, et on se met vite le nez dedans jusqu'au jour où on n'est plus dans la maîtrise de soi. On arrive, hélas, à une descente aux enfers. Ça peut commencer avec la perte du permis, du travail. Le côté familial aussi est impacté. Jusqu'au jour où on arrive à sortir du déni. C'est toute la problématique
Parce qu'on ne se rend pas compte qu'on est alcoolique ou alors on s'en rend compte mais on n'arrive pas à s'en sortir?
Il y a un petit peu des deux. Je lisais un article évoquant le déni et qui expliquait que c'était en fait un système de défense mis en place par le cerveau pour se protéger. Système de défense qui amène au mensonge etc...Je me répète, sombrer dans l'alcool, c'est vraiment une descente aux enfers.
Et le déclic chez vous, c'était quoi ?
C'était un déclic familial. Je savais bien que j'avais un problème avec l'alcool mais on se ment, on se ment à soi-même et c'est ça tout le problème. Jusqu'au jour où on se dit, de toute façon, maintenant on est au pied du mur, on est au fond du trou. Il y a deux solutions soit j'y reste, soit j'essaie de rebondir.
Vous étiez à l'époque chef d'entreprise près de Sablé. Là, vous changez de métier et puis vous investissez de plus en plus dans l'association des Alcooliques Anonymes. C'était important de rejoindre cette association ?
C'est ce qui me permet d'être abstinent et de le vivre, disons, sereinement. Effectivement j'ai poussé la porte des Alcooliques Anonymes à Sablé ça fera trois ans la semaine prochaine. On ne peut pas se sortir de l'alcool tout seul. Il y a des gens qui y arrivent mais ça reste très compliqué, il faut de l'aide. Quand j'ai poussé la porte des Alcooliques Anonymes, je me suis trouvé en fait avec des gens qui étaient dans la même situation que moi et qui n'avaient pas de critique, qui n'étaient pas là pour me juger. Et quand j'ai rencontré ces gens-là, je me suis dit "c'est possible ! Ils ont réussi à se sortir de l'alcool, donc pourquoi pas moi" ? Tout ça, ça implique un processus de rétablissement qui se fait petit à petit. Vous me parliez de mon activité professionnelle. Effectivement, j'ai géré une société pendant un peu plus de 30 ans avec des hauts, avec des bas, des remises en question. J'ai décidé de passer le pas et de fermer cette société qui était un poids. Et aujourd'hui, je change complètement d'activité professionnelle, ce qui me permet de rebondir différemment.
Qu'est-ce que vous pensez de ces boissons non alcoolisées, type vins sans alcool ?
Il ne faut pas faut pas confondre les gens qui veulent faire un break avec l'alcool et qui veulent avoir accès à des boissons qui sont de plus en plus à la mode. Il y a un mouvement sur les boissons non alcoolisées qui ressemblent à l'alcool jusq'au packaging. Et puis il y a ceux qui sont malades alcooliques. Quand on est malade alcoolique, ce n'est pas la solution. Je me souviens, au début de mon abstinence, j'avais tendance à vider des packs entiers de bières sans alcool. Aujourd'hui, c'est bien derrière tout ça.
Pourquoi n'est-ce pas la solution ?
Parce que c'est dangereux. J'ai un exemple très simple. Un jour, j'étais chez des amis qui savent que je ne bois plus d'alcool et qui m'avaient acheté des bouteilles de vin de rosé et de blanc, sans alcool. Je leur explique que ce n'est parce que je ne bois pas d'alcool qu'il faut faire un transfert mais par politesse j'ai quand même goûté. Et là, stupéfaction, ça me fait peur, parce que c'est tellement bien fait que le cerveau n'arrive plus à identifier en fait ce qui est bon, ce qui n'est pas bon. Et mon ami ne comprenait pas que je ne voulais pas en boire. Il me dit : " "mais il n'y a pas d'alcool". Je lui ai répondu que le problème n'était pas là. Le problème, c'est que ça ressemble trop à l'alcool.