"Je suis né une nouvelle fois quand j'ai arrêté de boire", confie Rodolphe avant la convention des Alcooliques Anonymes
France Bleu, 30 Mai 2025
La convention régionale des Alcooliques Anonymes des Pays de Loire va rassembler au moins 220 personnes au Croisic, en Loire-Atlantique, ce vendredi et ce samedi. L'un d'eux a accepté de nous raconter sa descente aux enfers puis sa renaissance.
Les échanges s'annoncent très forts ce vendredi et ce samedi au Croisic, en Loire-Atlantique, lors de la convention régionale des Alcooliques Anonymes des Pays de la Loire. Ils seront au moins 220. Pendant deux jours vont se succéder les témoignages, les discussions autour de la dépendance, de la réhabilitation, comment entamer une nouvelle vie sans alcool grâce au soutien des Alcooliques Anonymes ? C'est grâce à eux que Rodolphe s'en est sorti. Cet habitant de la presqu'île guérandaise a accepté de nous raconter son parcours.
"Un verre en appelait un autre et il fallait que la bouteille soit vide"
Dès tout petit, l'alcoolisme fait déjà partie de la vie de Rodolphe : "j'avais un père alcoolique", glisse-t-il. Alors, il se promet de ne pas tomber lui-même dans cette dépendance qui le fait tant souffrir. À l'adolescence, il boit moins que ses amis en soirée. C'est lui qui les accompagne et les raccompagne. "J'avais un frein, justement, au niveau de cette prise d'alcool". Mais quand son père meurt, l'année de ses 25 ans, la bascule s'opère : "un verre en appelait un autre et il fallait que la bouteille soit vide. Il fallait que je sois complètement ivre. C'était un moyen pour moi d'arrêter ce petit vélo qui tournait dans ma tête sans cesse."
Entre 27 et 30 ans, il commence à boire seul, chez lui. Puis, il rencontre celle qui deviendra la mère de son fils. Sa consommation se calme un peu, même si elle reste très excessive en soirée. Mais quand sa compagne le quitte, il plonge complètement. "Là, je me suis vraiment engouffré dans une spirale. D'abord la dépression, ensuite des prises d'alcool qui, petit à petit, sont devenues de plus en plus importantes et quotidiennes. Et j'avais un alcoolisme solitaire, c'est-à-dire que je buvais tout seul chez moi. J'étais capable, en soirée, de ne pas forcément boire. Par contre, quand je rentrais chez moi, je me finissais."
"J'étais devenu un monstre rempli de haine"
À plusieurs reprises, il tente d'arrêter. Mais à chaque fois qu'il recommence, il s'enfonce davantage. "J'étais devenu un monstre rempli de haine, de colère. Ce mal-être en moi me rongeait complètement. Mais il fallait. Il fallait que j'aie cette dose d'alcool tous les jours. Ça devenait mon obsession quotidienne."
Le tableau est, à ce moment-là, extrêmement sombre. Mais, il y a quasiment quatre ans, le 31 mai 2021, Rodolphe entame sa renaissance. Il "pose son verre", comme les Alcooliques Anonymes ont coutume de dire, et il intègre le centre d'addictologie de Guérande, ce qu'il attendait depuis longtemps. "À ce moment-là, j'ai compris. Et j'ai connu le bonheur et le bien-être de partager ses émotions, ses malheurs, ses joies avec des personnes qui avaient le même problème que moi." Il entame aussi un long travail sur lui-même. "Notre alcoolisme, en fait, ce n'est qu'un symptôme d'un mal plus grand. Et moi, j'étais malade de mes émotions." Petit à petit, il apprend à mieux les maîtriser, à ne plus s'apitoyer sur lui-même et à voir le bon côté de la vie.
Au départ, il arrive que l'envie de boire revienne. Mais il tient, alors que d'autres rechutent, grâce à la force du groupe, au centre d'addictologie puis lors des réunions des Alcooliques Anonymes où il se rend régulièrement. "Il fallait que j'apprenne tout dans cette nouvelle vie. Les partages des amis, les réunions m'ont fait grandir petit à petit, jour après jour."
"Pour que mon fils n'ait pas à supporter ce fardeau"
Jusqu'à devenir celui qu'il est aujourd'hui : un homme heureux, plus serein et apaisé. "J'aime à penser que cette histoire que mon père n'avait pas terminée, j'en ai pris la suite et je l'ai terminée. Pour que mon fils n'ait pas à porter et supporter ce fardeau." Et c'est devenu son but : aider les alcooliques à s'en sortir pour que leurs proches arrêtent de souffrir, eux aussi. Il le fait à travers son engagement au sein des Alcooliques Anonymes et en racontant son histoire, pour en inspirer d'autres et leur montrer que "c'est possible d'être heureux, énormément heureux même, sans toucher une goutte d'alcool". C'est ce qu'il est aujourd'hui.