"Les Alcooliques Anonymes, une fraternité pour poser le verre"

Publié le par kreizker

in "Le Télégramme" (France), 7 Janvier 2025

« Janvier sans alcool » est l’occasion pour ceux et celles qui adhèrent à ce mois d’abstinence de faire le point sur leur consommation. Et de se rapprocher, si besoin, d’un des nombreux groupes d’entraide qui existent en Bretagne. Nous avons suivi, l’un de ces groupes, formé par les Alcooliques Anonymes, dans notre région.

La méthode des AA est basée sur une méthode en douze étapes. Une réflexion sur son rapport à soi, et aux autres.

La méthode des AA est basée sur une méthode en douze étapes. Une réflexion sur son rapport à soi, et aux autres.

Il est presque 10 h. Le café coule tranquillement dans la cuisine de ce local associatif où se réunissent, tous les week-ends, un groupe d’AA brestois. Aujourd’hui, ils seront une quinzaine. On se fait la bise, on échange deux ou trois blagues. L’ambiance est détendue. Bien loin de l’image d’un groupe de pochtrons désabusés, véhiculée, parfois, par le cinéma. « On n’en mène pas large la première fois qu’on pousse la porte, témoigne un quadragénaire qui a arrêté de s’alcooliser il y a quelques mois. Généralement, on est au bout du bout. On laisse tout sur la table. Se confier à des gens qui ont connu ou qui connaissent la même galère que vous se fait plus facilement. ».

Le modérateur lance la réunion. Et choisit la thématique du jour. Chacun prend la parole à son tour. Il ne s’agit pas d’une discussion mais d’une succession de témoignages, de tranches de vie. « D’abord, j’ai eu envie de boire. Ensuite, j’ai eu besoin de boire ». Le modérateur, abstinent depuis plusieurs années, résume son parcours. Ses difficultés, mais aussi les bienfaits de l’arrêt de l’alcool. Il aborde aussi, les situations dans lesquelles les alcooliques sont les plus exposés aux tentations. Et la manière d’y faire face ou de les éviter. « L’alcool sera toujours plus fort que nous, poursuit un homme, abstinent depuis deux ans. Moi, j’ai décidé de descendre du ring pour ne plus prendre de coups ».

Les gains immédiats de l’abstinence

Tous racontent cette lente descente aux enfers qui peut prendre des années et durant lesquelles, doucement, le piège se referme. « Par contre, le rétablissement peut aller très vite. Quand on pose le verre, les gains sont immédiats, précise une femme qui a bu de longues années durant. Surtout au niveau santé. Plus de sueurs matinales, de tremblements, d’hypertension. Fini les trous de mémoire et les situations ingérables. Et ces journées passées à être l’otage du produit. On redécouvre la vie ».

Ici, la parole est libérée. La clé de cette confiance réside dans l’anonymat. Pas d’inscription, de formalité et de cotisation. « La porte est ouverte à tous ceux qui veulent en finir avec l’alcool. Qu’ils soient abstinents ou pas », précise le modérateur, après la réunion. « Certaines personnes qui nous rejoignent consomment toujours, parfois. Et arrêtent, pour la plupart, au bout d’un certain temps ».

Les profils et les liens qui unissaient ces anciens buveurs à l’alcool sont variés. Il y a ceux qui consommaient toute la journée, d’autres qui s’abrutissaient uniquement le soir. Il y a ceux qui ont tout perdu, travail, appartement, famille. Et ceux qui ont, malgré tout, sauvé les meubles. Il y a aussi ceux qui sortent de cure et qui se sentent bien démunis, et seuls, au terme de ce tunnel de sevrage. « Contrairement à la drogue, on est constamment sollicités, explique ce participant. Par les publicités, les rayons des supermarchés, les bars où la bière coule à flots. Il faut parfois revoir ses habitudes pour éviter ces tentations ».

La réunion débute. Le modérateur lit le préambule.

La réunion débute. Le modérateur lit le préambule.

Une fraternité

Les AA caractérisent leur mouvement comme une fraternité. « Beaucoup ont un parrain ou une marraine. Quelqu’un d’expérience qui nous guide et qu’on peut appeler à toute heure, du jour ou de la nuit. Le groupe est au cœur du mouvement. Ici, je me suis fait de nouveaux amis », confie ce jeune homme. « Et puis, on part du postulat qu’il faut rester sobre seulement 24 heures. Reconductibles, bien sûr ».

« Il faut aussi venir en aide à ceux qui dérapent, qui replongent et se ressaisissent. L’alcool est sournois. Il est partout. Une perte de vigilance, et il en profite pour s’installer à nouveau », renchérit cette jeune femme.

La réunion touche à sa fin. Les membres des AA se prennent la main pour la prière de la sérénité. « Certains pensent que nous sommes un mouvement religieux. C’est faux. Il y a des gens de toutes obédiences ici et des athées. On parle de puissance supérieure. Et chacun la définit comme il le veut. Pour moi, la force, c’est celle du groupe », lance cet homme avant de disparaître dans la rue, dans le plus strict anonymat.

Alcooliques anonymes : en Bretagne depuis 1968

Le mouvement des AA est né en 1935, aux États-Unis, de la volonté de deux alcooliques, Bill et Bob, d’en finir avec cette addiction. Il faudra attendre 1960 pour que le mouvement prenne racine en France, grâce notamment à la publication du livre de Joseph Kessel, « Avec les alcooliques anonymes ». Un ouvrage reportage qui le fera connaître au plus grand nombre.

Le premier groupe breton a été créé à Rennes, en 1968. Il s’appelait Stivell. Puis, doucement, le mouvement a essaimé dans notre région. De 1972 à 1985, on comptait dix groupes en Bretagne. Ils sont plus de 40 à présent. Dont deux groupes anglophones à destination des Britanniques qui vivent en Bretagne. Un groupe visio, appelé « plus jamais seul », existe aussi.

Publié dans AA Bretagne

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